Auteur

François Vaillant

Localisation

Afghanistan

Année de publication

2009

Cet article est paru dans
152.png

Pourquoi un numéro « La non-violence en Afrique » ? Au fil des années, et de plus en plus depuis 4 ou 5 ans, la rédaction d’ANV reçoit des demandes de renseignements sur la non-violence émanant d’associations africaines engagées en non-violence.

Le suivi de ces correspondances révèle un phénomène très palpable : une non-violence africaine se déploie actuellement en Afrique. La grande presse européenne, à ma connaissance, n’a jamais évoqué ce phénomène. Le surgissement de ces innombrables associations pour la non-violence est tout simplement inouï ; certaines travaillent très concrètement pour une éducation à la non-violence, d’autres engagent des luttes sociales et politiques impressionnantes. Il existe actuellement plus d’associations pour la non-violence en Afrique qu’en Europe. Leurs moyens sont fragiles, mais la volonté, la probité et l’ardeur de leurs acteurs soulèvent l’estime. Des amis ont dit à l’équipe d’ANV qui préparait ce numéro : « Méfiez-vous des Africains, ils cherchent avant tout à venir en France et à vous soutirer de l’argent. » C’est quelquefois exact, mais combien il est honteux de professer un jugement aussi globalisant ! Nous n’avons rencontré que des associations qui cherchent à mieux se faire connaître, sans arrière-pensée.

Une forme de non-violence est née en Afrique. Elle participe à ré-humaniser des sociétés, à réguler des conflits locaux, à inventer une éducation africaine respectueuse de chacun — à commencer par les femmes. La non-violence en Afrique ne ressemble pas à une lame de fond, mais déjà de nombreux ruisseaux irriguent des écoles et d’autres institutions, notamment des Églises locales. Un détail ne trompe pas : des responsables d’Églises catholique et protestantes, malgré des intégristes comme il en existe partout, prennent au sérieux le propos du prophète de Galilée qui enseigne dans l’Évangile l’amour des ennemis. Il ne serait pas étonnant que la non-violence dans l’Évangile soit enfin prise au sérieux dans les églises et les temples d’Europe, grâce à la spiritualité et la théologie africaines quand elles y seront enfin connues.

Combien il est encourageant que la non-violence en Afrique trace ses propres sillons, y jetant ses semailles d’avenir, à sa façon, pour combattre avec dignité les violences et les injustices qui sont celles de là-bas. Il est vrai que l’éclosion des associations africaines engagées en non-violence doivent parfois beaucoup à des rencontres avec des Français : Jean Goss et Jean Van Lierde, dans les années 1960-1980, puis avec François Jourdan, et plus récemment Alfred Bour, Maria Biedrawa et Jean-Marie Muller, notamment. Mais ceux-ci ont toujours compris qu’il convenait de s’effacer rapidement pour que grandisse une non-violence typiquement africaine. La non-violence en Afrique s’inspire avant tout de Gandhi, lequel mena ses premiers combats pour la justice en Afrique du Sud, puis de Martin Luther King et de Desmond Tutu. Cette non-violence s’est souvent déployée grâce à des Africains chrétiens, elle devient depuis quelques années aussi le fait d’Africains musulmans ou adeptes des croyances animistes locales. Ce numéro d’ANV le montre, compte tenu qu’il n’aborde que la non-violence vécue dans des pays francophones. Il faut bien commencer par un bout, tant l’Afrique est grande ![1]

L’Afrique va mal. Elle est bloquée parce que la décolonisation n’a pas modifié fondamentalement des comportements politiques issus du colonialisme. De plus, le Nord continue à la piller, en exploitant ses mines et ses gisements de pétrole, en lui imposant, via l’OMC, un modèle économique, suscitant des cultures sur de grands espaces et des comportements agroalimentaires qui ne sont pas ceux de l’homme africain. Il en résulte une inquiétante dégradation des relations humaines et une pollution de l’environnement, le tout entraînant d’innombrables déséquilibres sociaux. La Françafrique[2] continue à empêcher une autorégulation des ressources là où elle opère avec ses multinationales. L’arrivée d’entreprises chinoises ces dernières années ne fait qu’aggraver ce qu’il est convenu d’appeler le néo-colonialisme. La non-violence a maintenant rendez-vous avec l’histoire de l’Afrique, c’est même la chance et l’espoir de ce continent.

 

[1] Pour plus de renseignements sur la non-violence en Afrique, il convient de s’adresser à l’Ifor (International Fellowship of Reconciliation ou en français Mouvement International de la Réconciliation), Spoorstraat 38, NL- 1815 BK Alkmaar, Pays-Bas. Courriel : office@ifor.org/. Site Internet : www.ifor.org. L’Ifor est une structure internationale pour la non-violence qui rassemble des délégations nationales de 40 pays. L’Ifor est majoritairement d’obédience protestante. La branche française de l’Ifor est le Mir, lequel publie le trimestriel Cahiers de la Réconciliation, abonnement annuel 24 euros. Mir, 68 rue de Babylone, 75007 Paris. Courriel : mirfr@club-internet.fr/. Site Internet : www.mirfrance.org/. À noter les numéros 4-2006 de décembre 2006 et 2-2007 de juin 2007 des Cahiers de la Réconciliation qui contiennent des articles sur la non-violence en Afrique.

[2] Voir les analyses et les actions de Survie. Site Internet : www.survie-France.org/. Lire également le n° 361 de S!lence, octobre 2008. S!lence, 9 rue Dumenge, 69317 Lyon Cedex 04. On y trouve des articles forts intéressants, et une bibliographie sur la Françafrique.


Article écrit par François Vaillant.

Article paru dans le numéro 152 d’Alternatives non-violentes.