Auteur

François Vaillant

Année de publication

2020

Cet article est paru dans
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L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) doit être pointée du doigt pour ses enquêtes parfois incomplètes ou partisanes, lesquelles se traduisent souvent par des non-lieux longtemps après les faits.

FRANÇOIS VAILLANT, philosophe et théologien, écrivain et militant non-violent, directeur de publication d’ANV.

Que l’on évoque le cas précis de Gilets jaunes sérieusement blessés en 2018-19, l’affaire des lycéens agenouillés à Mantes-la-Jolie en décembre 2018, ou la noyade de Steve Caniço à Nantes le soir de la fête de la musique en 2019, c’est toujours la même histoire : l’IGPN ne voit rien à redire qui vaille sanction à l’encontre de policiers. Alors, quand on entend à la radio qu’une affaire avec allégation de violences policières fait l’objet d’une enquête confiée à « la police des polices » (IGPN), on se demande légitimement si l’enquête va être impartiale.

 

ET HOP, AFFAIRE CLASSÉE SANS SUITE !

 

L’exemple d’un Gilet Jaune à Rouen est éloquent à ce sujet. Le 29 décembre 2018, au cours de l’acte 7 des Gilets jaunes, Patrice filme avec son portable la charge d’un groupe de policiers armés de matraques et de flash-ball. Sur une autre vidéo d’amateur, on voit que Patrice n’est aucunement agressif envers les forces de l’ordre. Subitement, un groupe de policiers fonce sur lui et un agent de la brigade anti-criminalité lui assène plusieurs coups de matraque aux jambes. Patrice s’écroule. Un journaliste de 76 actu filme la suite : Patrice, alors au sol, est roué de coups avant d’être immobilisé par une clé de bras ! Conseillé par l’avocate Chloé Chalot, Patrice dépose plainte contre X pour « violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ». L’affaire atterrit sur le bureau de l’IGPN de Rennes. Dans son procès-verbal de synthèse, le brigadier-chef de l’IGPN en charge de l’enquête estime que « les violences commises sur Patrice apparaissent légitimes, nécessaires et proportionnées ». « Cet homme semblait en infraction délictuelle et son interpellation devait être réalisée très rapidement compte tenu du danger que représentaient les manifestants hostiles et violents à l’encontre des forces de l’ordre. En conséquence, les coups de matraque, localisés uniquement aux jambes, apparaissent proportionnés au but à atteindre et les blessures occasionnées (évaluées à deux jours d’ITT) légères. » L’affaire est classée sans suite par l’IGPN ! L’impunité de policiers n’est pas une fable, elle est courante, que cette vérité fasse plaisir ou non au syndicat Alliance.

 

POURQUOI L’IGPN EST-ELLE NON RÉFORMABLE ?


Il est vrai que cette administration — créée en 1986 par Charles Pasqua — cherche à donner bonne impression par quelques réformettes. Par exemple, depuis 2013, tout citoyen qui s’estime victime ou témoin d’un comportement mettant en cause un agent des forces de l’ordre peut faire un signalement auprès de l’IGPN, via un formulaire en ligne sur le site du ministère de l’Intérieur. Ce signalement ne constitue cependant pas un dépôt de plainte et, de fait, ne sert pas à grand-chose. Le problème de fond posé par l’IGPN est que ses enquêtes sur des allégations de violences policières sont effectuées par des policiers, qui ont donc à statuer sur le comportement d’autres policiers, sous le contrôle de la hiérarchie policière via le ministère de l’Intérieur. Les dés sont pipés, l’IGPN est juge et partie !

Complément d’enquête : l’actuelle directrice de l’IGPN est une policière, nommée et révocable à tout moment par le ministre de l’Intérieur. Le recrutement des agents de l’IGPN dépend du directeur général de la police nationale et leurs carrières dépendent du ministère de l’Intérieur. Le rapport annuel présenté par le directeur de l’IGPN est relu par le ministère de l’Intérieur. L’indépendance du contrôle de la police est donc une farce que la Ligue des droits de l’homme, Amnesty international et le Man dénoncent depuis de nombreuses années. Puisque l’IGPN protège la police, que l’exécutif protège la police, qui donc protège les citoyens quand la police qui devrait le faire ne le fait pas ?

Le seul moyen de s’en sortir reste la suppression de l’IGPN et la création d’une véritable instance de contrôle de la police, réellement indépendante, qui honorerait les prérogatives du Code européen d’éthique de la police, publié le 19 septembre 2001 par le Conseil de l’Europe et approuvé par la France. Il recommande : « La police doit être responsable devant l’État, les citoyens et leurs représentants. Elle doit faire l’ob- jet d’un contrôle externe efficace ». C’est une exigence démocratique et la condition pour que les Français retrouvent peu à peu confiance dans leur police et dans son contrôle.


Article écrit par François Vaillant.

Article paru dans le numéro 198 d’Alternatives non-violentes.