Auteur

Alain Refalo

Année de publication

2001

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ÉDITORIAL

Les crimes contre l’humanité qui ont marqué à l’encre rouge l’histoire du XXe siècle — les deux guerres mondiales, les camps de concentration nazis, le goulag, Hiroshima et Nagasaki, les génocides des Congolais, des Arméniens, des Juifs, des Cambodgiens, des Tutsis, les innombrables massacres de civils, ainsi que les terribles destructions qui ont accompagné quantité de guerres sur tous les continents — donnent à penser que la violence la plus barbare a largement dominé les relations entre les peuples et les pays durant des décennies.

Pourtant, dans ce siècle du meurtre à grande échelle, est née une nouvelle force, la non-violence, qui a ouvert une brèche dans les murailles de la violence qui semblaient enfermer l’Histoire dans l’absurdité et le non-sens. Aux quatre coins du monde ont émergé des luttes non- violentes, souvent populaires, contre des dictatures et des pouvoirs oppressifs, pour les droits de l’être humain, la liberté et la démocratie. Des peuples ont trouvé l’énergie de dire « non » sans prendre les armes, sans tirer un coup de fusil, en refusant d’entrer dans l’engrenage meurtrier de la violence, parfois par choix éthique, souvent par réalisme politique et stratégique. Des femmes et des hommes ont résisté, avec le plus grand courage, à mains nues, aux tyrans, à leur police et
leur soldatesque. Ils ont inventé une autre façon de lutter, par la non-coopération et la désobéissance civile, mais aussi en réalisant parfois un « programme constructif » qui met en place les institutions garantes de la société de justice qu’ils revendiquaient.

La non-violence a une histoire et celle-ci reste méconnue, voire refoulée. Elle a remporté des victoires aussi inattendues qu’impensables et pourtant celles-ci n’ont pas attiré l’attention qu’elles méritaient. Ce numéro spécial d’Alternatives Non Violentes voudrait combler le déficit engendré par cette méconnaissance. Certes, nous ne prétendons pas à l’exhaustivité ; nous n’avons pu présenter tous les combats non-violents d’importance qui méritaient d’être traités ici. Comme pour l’affiche des « 100 dates de la non-violence au XXe siècle » que chaque abonné a reçue, une sélection a été faite. L’affiche et ce numéro spécial contribuent cependant à réactiver et entretenir la mémoire de la non-violence. Cette mémoire n’est pas inutile, car c’est aussi parce que les hommes ne retiennent pas les leçons du passé, particulièrement les leçons des échecs de la violence, que l’histoire semble se répéter, avec son cortège de destructions et de massacres.

On s’interroge aujourd’hui à juste titre sur cette « culture de la violence » qui domine nos civilisations et qui véhicule tant d’images et de modèles néfastes, jusque dans les jouets de guerre offerts aux enfants. Pour sortir de cette culture, il faudra encore beaucoup de dissidents, d’objecteurs de conscience, de femmes et d’hommes qui feront œuvre de rupture et qui invente- ront d’autres manières de vivre, de travailler, de produi- re, de manger, de gouverner, d’éduquer, de communiquer, en s’abstenant de recourir à la violence et en respectant tout être vivant, quel qu’il soit. À l’heure où nous bouclons ce numéro, nous apprenons les terribles événements de la côte Est des États-Unis. Un sursaut de la conscience humaine est nécessaire pour ne pas som- brer dans la spirale suicidaire de la violence.

L’enjeu majeur du siècle qui vient est bien de construire une « culture de non-violence ». La tâche est immense ; les forces sont aujourd’hui modestes. Le face- à-face historique de la violence et de la non-violence ne fait que commencer. Certes, les forces de la violence semblent aujourd’hui largement supérieures, mais la non-violence n’a pas encore exprimé toutes ses potentialités. Celle-ci porte l’espoir d’une humanité nouvelle, réconciliée avec elle-même. L’histoire humaine est tragique, mais elle est aussi porteuse de sens. La violence n’est pas une fatalité. Parce que la non-violence demeure, selon le mot de Bernard Clavel, « notre seule espérance », il nous appartient de croire que l’Histoire n’est pas complètement désespérée.

Alain REFALO


LISTE DES AUTEURS des tomes 1 et 2

BENNETT Brad, enseignant à l’école Thoreau de Concord, Massachussetts, États-Unis.

BERWOUTS Chris, universitaire, travaille depuis douze ans sur les terrains de développement, aide d’urgence et prévention de conflit en Afrique.

BONY Fabienne et Vincent, militants dans différentes organisations non-violentes, ont vécu près d’un an (1989-1990) dans le village de Beit Sahour, près de Béthléem, en soutien au mouvement de désobéissance civile concernant les Taxes.

BOUR Alfred, prêtre en Afrique, membre du Mouvement international de la réconciliation (Mir).

BRUNIER Christian, membre du Mouvement pour une alternative non-violente (Man) et du Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC).

CROISSANT Pierre, retraité de l’industrie, ancien militant pour la défense du Larzac.

DE BROUCKER José, ex-rédacteur en chef de l’hebdomadaire La Vie.

DEVILLERS Manuel, traducteur, collaborateur d’édition, membre du comité de rédaction du mensuel Non-violence Actualité.

DONG Wonmo, professeur de science politique, Southern Methodist University, États-Unis.

DRÉANO Bernard, co-président avec l’Azerbaïdjanaise Arzu ABDULAEYEVA depuis octobre 2000 du réseau Helsinki Citizens’ Assembly international.

DUFOUR Pierre, Ingénieur, membre du Man (Mouvement pour une alternative non-violente), président des « Équipes de paix dans les Balkans ».

FROST J. William, enseignant de religion et directeur du Friends Historical Library, Swarthmore College, États-Unis.

GESSON Gilles, membre du comité de rédaction de Gardarem lo Larzac.

GROLLEAUD Michel , prêtre, membre du Serpaj (Servicio Paz y Justicia).

JOURDAN François, prêtre eudiste, membre du Mir (Mouvement international de la réconciliation).

LIBOUBAN Jean-Baptiste, successeur de Lanza Del Vasto puis de Pierre Parodi comme responsable de la Communauté de l’Arche.

MARCHAND François, président de l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC), membre du Comité d’orientation d’Alternatives Non Violentes.

MEGARD Michel, Membre du Centre Martin-Luther-King (Lausanne) et de son Collectif romand de formation à la non-violence. Formateur au sein de l’Association genevoise pour la médiation de quartier.

MELLON Christian, jésuite, ex-rédacteur en chef d’Alternatives Non Violentes.

MILLE Jean-Pierre, historien.

MOLÉNAT Jean, mathématicien, membre du Man.

MULLER Jean-Marie, écrivain, directeur de recherche à l’IRNC, porte-parole du Man, membre du Comité d’orientation d’Alternatives Non Violentes.

NEPSTAD Sharon Erickson, sociologue, spécialiste des mouvements non-violents d’Amérique latine.

OTT Hervé, animateur du Cun du Larzac.

REFALO Alain, chargé de recherche à l’IRNC, membre du Comité d’orientation d’Alternatives Non Violentes. 

RIVIERE Jean-François, membre du comité de rédaction de Non-Violence Actualité

ROUSSEL Vincent, directeur du mensuel Non-Violence Actualité.

ROUSSEAU Sabine, agrégée d’histoire, enseignante dans le secondaire et à l’Institut d’études politiques de Paris.

ROUTLEGE Paul, professeur de géographie à l’Université de Glasgow, Écosse.

SAPIN Éric, secrétaire général du Comité de coordination pour le service civil (CCSC).

SCOTT R. Kennedy Scott, chercheur.

SCHWAB Hans, enseignant, membre du Comité d’orientation d’Alternatives Non Violentes.

SÉMELIN Jacques, enseignant à Sciences-Po Paris, chercheur au CNRS.

SUMMY Ralph, professeur en science politique, coordinateur du Programme d’études sur la paix et les conflits à l’Université de Queensland, Australie.

VAILLANT François, rédacteur en chef d’Alternatives Non Violentes.

VAN LIERDE Jean, militant de la non-violence, co-fondateur du Bureau européen de l’objection de conscience.

VERREL Claude, président du Comité de coordination pour le service civil (CCSC).

WILLOUGHBY Georges, militant Quaker, membre du “Movement for a New Society”, États-Unis


Article écrit par Alain Refalo.

Article paru dans le numéro 119 d’Alternatives non-violentes.