Pourquoi développer l’intervention civile de paix ?

Auteur

Marie-Hélène Aubert

Année de publication

2002

Cet article est paru dans
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L’Intervention civile de paix mérite des crédits, sur un long terme.

L’Intervention civile de paix mérite des crédits, sur un long terme.

Quand la réforme du service national a été examinée, fin 1999, nous avons pu aborder la question du volonta- riat civil de paix. Celle- ci est parue totalement saugrenue et complètement idéaliste à bon nombre de nos interlocuteurs issus du ministère de la Défense ou du ministère des Affaires étran- gères. La paix était vraiment une chose trop sérieuse pour être confiée à des civils ! [...]

Une intervention militaire se situe dans un court terme, dans une actualité immédiate, alors que la situation s’est dégradée depuis longtemps, et qu’on l’a laissée se dégrader. On arrive donc à des situations en fait assez inextricables, où l’on n’a que le choix entre des mauvaises solutions. C’est ici que le facteur temps intervient. Les politiques, eux, ont trop le nez rivé sur l’actualité, les sondages d’opinion, leur réélection éventuelle. Ils sont dans le court terme : « Il faut que je rassure mon opinion publique, il faut que je montre que je fais quelque chose, dans l’immédiat ». C’est flagrant, combien de conflits, de situations a-t-on laissé dégénérer et arriver à des stades tels qu’il devient ensuite très difficile de faire quelque chose, par manque d’anticipation puis manque de suivi ! [...]

Après une intervention militaire, c’est-à-dire une fois que les caméras sont éteintes, une fois que l’explosion a eu lieu, qu’est-ce qui se passe ? Eh bien, on laisse à nouveau les choses se dégrader, s’envenimer. Les grandes promesses sur le soutien, la coopération économique n’arrivent pas. C’est le cas pour la Bosnie. Je cite cet exemple parce que j’y étais encore récemment. Ce que les gens veulent, c’est revivre, c’est avoir une activité économique, un emploi, de quoi manger, un logement, une école pour les enfants, des dispositifs de santé publics. Or cela n’arrive pas, ou mal. Alors effectivement, on voit beaucoup de dispositifs, armés ou non, on voit beaucoup de gens, les ONG, des représentants de toutes sortes, mais à quoi sert tout ce foisonnement d’initiatives tous azimuts, mal coordonnées ? La prévention des conflits, leur anticipation, et le suivi des événements me paraissent des éléments essentiels, non seulement pour l’Intervention civile de paix mais dans l’action politique. Cet aspect est un problème crucial pour nous. [...]

Et où trouver l’argent ? Quand on prévoit de dépenser des milliards d’euros pour alimenter des budgets militaires, encore et toujours sans trop se poser de questions fondamen- tales, je me questionne. Je ne dis pas que l’Europe doit se dispenser d’une force armée et de moyens militaires. Mais lesquels choisir ? Pour quoi faire ? Je constate seulement que, pour ce que nous faisons aujourd’hui, il n’y a jamais d’argent. Pour le volontariat civil de paix, pour le volontariat de solidarité internationale, nous n’arrivons à obtenir que des miettes, alors qu’ils devraient véritablement s’inscrire sur une ligne budgétaire, à long terme. ❏

MARIE-HÉLENE AUBERT*

*Militante du parti Les Verts.
Jusqu’en juin 2002, dans la précédente législature, députée d’Eure-et-Loir, vice-présidente de l’Assemblé nationale, membre de la Commission des affaires étrangères.


Article écrit par Marie-Hélène Aubert.

Article paru dans le numéro 124 d’Alternatives non-violentes.