Auteur

François Vaillant

Année de publication

2004

Cet article est paru dans
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L’arme nucléaire se conjugue de nos jours avec « totem et tabou » ! Elle nous protégerait et tout le monde s’accorderait pour ne point l’évaluer, ni, le cas échéant, s’y opposer. Il est ahurissant, en effet, que cette arme de destruction massive ne soit jamais mise en débat lors des campagnes électorales. L’État  rançais manque cruellement d’argent pour honorer les missions de l’Éducation nationale, de la Santé, de la Recherche civile..., mais le gouvernement Raffarin a réussi à faire augmenter le budget de la Défense sans que personne ne bouge, tant il est vrai que l’UMP, l’UDF, le PS et le PC adoptent sensiblement la même longueur d’onde sur le sujet.

Le comité de rédaction d’ANV a été saisi d’étonnement quand il s’est rendu compte que plus aucun de ses membres ne suivait de près le dossier du nucléai- re militaire. À l’époque des euromissiles, au début des années 1980, nous étions nombreux à faire des conférences, à animer des débats sur les problèmes de défense. Depuis la chute du mur de Berlin, fin 1989, plus personne d’entre nous n’a de compétence confirmée sur le nucléaire militaire. Totem et tabou ? Nenni, on s’est remis au travail, comme en témoigne ce numéro.

Pourquoi plus personne ne parle-t-il en France de l’arme nucléaire, en dehors des irréductibles de Stop Essais et de quelques lieux indépendants trop peu connus, comme le CDRPC (Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits, basé à Lyon) ? Peut-être parce que depuis l’abandon des essais en Polynésie, on s’imagine que l’État français ne fabrique et ne stocke plus d’arme nucléaire ! Elle est devenue totalement invisible. Elle ne se voit nulle part, même pas lors du défilé du 14 juillet, vitrine de l’arsenal militaire. Les Français s’imagi- nent peut-être que la dissuasion nucléaire a fait ses preuves dans le passé, et que l’on peut s’y fier pour le futur. Or, stupéfaction, la doctrine de la stratégie de dissuasion nucléaire est de nos jours une coquille vide ! En quoi cette stratégie nucléaire serait-elle capable de combattre le terrorisme, ce fléau qui n’a pas fini de secouer la planète ?

À y regarder de plus près, la doctrine de dissuasion du faible au fort, de la France contre l’URSS d’antan, semble aussi inefficace que le fait de posséder l’arme nucléaire pour contrer l’action des groupes terroristes. La question éthique vient : est-il moralement acceptable de s’évertuer à posséder l’arme nucléaire clas- sique (sous-marins, bombardiers, etc.) si elle ne promeut pas la sécurité des personnes ? De fait, elle ne l’a jamais promue !

La France — commençons par notre pays — dépense actuellement des sommes colossales en réalisant le laser Mégajoule près de Bordeaux. Là-bas, dans le grand secret, on y préparera, en les expérimentant, des mininukes, terme américain pour désigner les futures petites bombes nucléaires de terrain, que les USA, la Russie, la France... rêvent de posséder en premier. Le nucléaire militaire n’est pas abandonné, il change seulement de forme. Un vrai tabou !

Par ailleurs, la course aux armements nucléaires classiques se développe hori- zontalement puisque des États comme l’Inde, le Pakistan, Israël, et des pays dits « voyous », en sont munis. Demain, si les USA déploient leur système de défen- se antimissiles, la course redeviendra verticale, à y perdre la tête. Cela incline à penser que le totem est bien actuel, au détriment de la sécurité comme de la culture de non-violence.

François VAILLANT


Article écrit par François Vaillant.

Article paru dans le numéro 130 d’Alternatives non-violentes.