Le retour de Tobin : une fiscalité internationale de paix

Auteur

Jacques Cossart

Année de publication

2004

Cet article est paru dans
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La lutte que mène, partout sur la planète depuis bientôt trente ans, le mouvement altermondialiste dont Attac, associé à toutes les forces vives du monde, franchit une étape de première importance : une nouvelle fiscalité internationale entre en vigueur demain 1er janvier 2027. Ainsi les ressources nécessaires au financement de nombreux services indispensables au bien-être des 6 457 mil- lions d’êtres humains que compte notre planète sont désormais assurées. La longue liste des biens communs de l’humanité a cessé d’être l’objet de revendication des peuples ; elle fait désormais partie de leur quotidien.

La lutte que mène, partout sur la planète depuis bientôt trente ans, le mouvement altermondialiste dont Attac, associé à toutes les forces vives du monde, franchit une étape de première importance : une nouvelle fiscalité internationale entre en vigueur demain 1er janvier 2027. Ainsi les ressources nécessaires au financement de nombreux services indispensables au bien-être des 6 457 mil- lions d’êtres humains que compte notre planète sont désormais assurées. La longue liste des biens communs de l’humanité a cessé d’être l’objet de revendication des peuples ; elle fait désormais partie de leur quotidien.

Près de 1 000 milliards d’euros pour un peu moins d’injustice

La poursuite effrénée de la mondialisation néolibérale est enrayée. Il est ainsi mis fin progressivement à une liste impressionnante de fléaux (la faim, la pauvreté, les épidémies, la pollution, le réchauffement du climat...). Certes le capitalisme est encore en place mais il doit maintenant payer un écot plus équitable pour financer ces biens publics. Les tares honteuses que l’humanité connaissait encore dans le début des années 2000, comme ces hommes et ces femmes de l’Afrique sub- saharienne qui avaient un revenu par tête évalué pour 2002 à 1 620 dollars (en régression depuis 1975) alors que, pour la même période, il s’élevait à 27 500 dollars pour les pays à revenus les plus élevés.

Il était plus que temps ! Une fiscalité internatio- nale, destinée à réduire la fracture qui allait croissant entre le Sud et le Nord, devenait inévitable. Sauf à détrui- re notre monde, quatre raisons au moins justifiaient cette instauration. En premier lieu, la mondialisation avait accru l’interdépendance des économies et des finances publiques nationales, fragilisant chacun des pays. En second lieu, les bases fiscales des États s’étaient considérablement érodées. Troisièmement, la mondialisation avait été un facteur essentiel de l’accroissement des inégalités entre les mobiles (multinationales, investis- seurs, cadres supérieurs) et ceux qui ne l’étaient pas (salariés, agriculteurs). Enfin, la mondialisation avait généré des besoins nouveaux de nature non marchande (biens communs de l’humanité) qui ne pouvaient qu’être satisfaits et financés au niveau mondial.

La France prérévolutionnaire a connu pendant plusieurs siècles les charges vénales dont le nombre était estimé à plus de quatre mille à la veille de la Révolution. La lutte contre ce type de privilèges par l’argent a été longue et multiforme : la Révolution est unique mais la société dont elle a accouché a, par avancées brutales ou par touches successives, mis des décennies à se forger. Au vingt et unième siècle l’instauration du principe de taxations globales au niveau mondial peut participer à un vaste mouvement émancipateur dont on connaît toujours très mal la source si on peut en repérer les causes.

Quelles taxes sont désormais appliquées ?

Taxe sur les transactions de change

C’est la suite de la célèbre taxe Tobin.. Tous les arguments qui étaient avancés contre elle ont été balayés. On se souvient que l’Union européenne l’avait décrétée unilatéralement en 2016. Elle va s’appliquer au monde entier à partir de ce 1er janvier et devrait rapporter plus de 200 milliards d’euros au taux de 0,1 % !

Taxe sur les investissements étrangers

Les investissements à l’étranger, tant vantés dans les années 1990, étaient réputés être un facteur important du développement. Ils ont surtout été un outil de la spéculation. Le principe qui a été retenu est que le taux de la taxation sera inversement proportionnel au respect des droits fondamentaux des pays d’accueil ; l’in- ventaire de ces droits est notamment établi par l’Organisation internationale du travail.

On attend pour 2028 un produit de quelque 120 milliards d’euros.

Taxe unitaire sur les bénéfices

On sait tout le poids que les transnationales ont pesé et pèsent encore dans l’économie mondiale. On a estimé pour 2026 à 4 800 milliards de dollars le chiffre d’affaires des seules cent premières firmes mondiales.

Cette taxe est une véritable révolution dans la mesure où elle tente de rétablir un certain équilibre entre ce qui pèse sur les revenus du travail et ce qui doit être supporté par les propriétaires du capital. Elle sera, de surcroît, une arme efficace contre ce véritable banditisme que constituent les paradis fiscaux. Elle tente aussi de stopper la dégradation constante sur les deux dernières décennies de la part de l’impôt sur les sociétés dans la fiscalité générale. On attend un produit de 200 milliards d’euros pour 2028.

Impôt sur la fortune

Les écarts de fortunes sont encore considé- rables et parfaitement injustifiés. Ils ne peuvent, tôt ou tard, que déclencher des révoltes pouvant elles-mêmes entraîner des violences de la plus grande ampleur. Au début du siècle, on estimait encore que 1 % de la population mondiale la plus riche avait un revenu équivalent à celui de 60 % de la population la plus pauvre !

Le modeste impôt sur la fortune qui va entrer en application devrait rapporter 50 milliards d’euros en 2028.

Autres taxes

La fiscalité internationale aura encore bien des progrès à accomplir pour réparer les nombreuses et anciennes inégalités. Celles-ci ne pourront d’ailleurs pas disparaître du seul fait de la fiscalité ; c’est le système lui- même auquel il faut s’attaquer.

a) Taxe sur l’émission de gaz carbonique

Il s’agit de réparer le désastre écologique engen- dré, notamment, par la production sans cesse croissante de gaz carbonique. On prévoit, pour 2028, une production de près de 8 milliards de tonnes de CO2. La taxe, fort modeste encore, de 15 € par tonne de CO2 produite rap- portera donc pour l’année qui vient 120 milliards d’euros.

b) Taxe sur l’utilisation commerciale d’Internet

Il paraissait véritablement anormal que les échanges commerciaux opérés par Internet ne partici- pent pas aux charges globales de la planète. C’est pour- quoi dès le 1er janvier prochain ils seront imposés, de manière bien modeste encore, à 1 centime pour 1 000 kilobites. On prévoit, pour 2028, un revenu de 210 milliards d’euros.

c) Taxe sur le transport aérien

On sait que le transport aérien participe de manière significative à la perturbation écologique. La taxe qui entre en vigueur, à raison de 3,65 € par tonne de kérosène consommé, devrait rapporter pour l’année qui vient quelque 80 milliards d’euros.

Jacques COSSART, économiste.

 


Article écrit par Jacques Cossart.

Article paru dans le numéro 131 d’Alternatives non-violentes.