Auteur

Suzanne Citron

Année de publication

2005

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L’enseignement de l’histoire de France sous la troisième République avait pour objectif d’inculquer aux enfants l’amour de la patrie et le nationalisme, au mépris de certaines vérités historiques. Les temps ont-ils vraiment changé ?

Suzanne CITRON, Agrégée d’histoire, professeur de lycée puis maître de conférences à l’université Paris XIII. Auteur notamment de Enseigner l’histoire aujourd’hui, la mémoire perdue et retrouvée, Éd. de l’Atelier, 1984 ; Le Mythe national, l’histoire de France en question, Éd. de l’Atelier, 1987 ; L’Histoire de France autrement, Éd. de l’Atelier, 1992 ; L’Histoire des Hommes racontée par Suzanne Citron, Paris, Syros-Jeunesse, 1999 ; Mes lignes de démarcation, croyances, utopies, engagements, Éd. Syllepse, 2003.

On croit volontiers aujourd’hui que le manuel-phare de la Troisième République, le Petit Lavisse — inspirateur du contenu et de la tonalité des manuels de l’enseignement primaire jusqu’à la fin des années 1960 — est tombé dans les oubliettes. Pourtant la représentation du passé, les stéréotypes que ce best seller de l’école devenue obligatoire a inscrits dans l’imaginaire français restent, par-delà les présentations nouvelles, sous-jacents à l’Histoire de France des programmes de l’école élémentaire, lieu décisif d’imprégnation. Les adultes qui déplorent « l’absence de repères », l’ignorance du passé de la très grande majorité des jeunes d’aujourd’hui, interrogés sur leurs propres repères, ne manquent pas d’énoncer Vercingétorix, Clovis, Charlemagne, Hugues Capet... Autrement dit, la construction historique à laquelle ils se réfèrent spontanément, est celle qui a été officialisée dans les années 1880. Comme toutes les histoires nationales forgées au dix-neuvième siècle, l’histoire de France, avait pour but de légitimer la nation. Elle devait, en outre, contribuer à franciser les petits Français (dont beaucoup n’avaient pas le français comme langue maternelle) et leur inculquer l’amour de la patrie par l’image quasi-religieuse d’une France transcendante, immémoriale, pré-incarnée dans la Gaule, territoire existant depuis le commencement des temps. Autrefois notre pays s’appelait la Gaule et ses habitants les Gaulois, ainsi débutait le Petit Lavisse. Dans les manuels des cours moyens des années 1985 (programmes Chevènement), la « Gaule » préexiste à l’invasion des Celtes (- 800 : arrivée des Celtes en Gaule spécifie la frise chronologique d’un manuel Hachette). Nouvelle manière « savante » de postuler une Gaule toujours déjà là et anachronisme patent : l’historien allemand Karl Werner rappelle que Gallia est une notion romaine, de même que Germania 1. Dans une texture lexicographique nouvelle et avec des ajouts, l’histoire transmise ces dernières décennies par l’école élémentaire demeure conforme à l’historiographie du dix-neuvième siècle et à sa perspective finaliste : cautionner l’État-nation, entité géopolitique du présent par un passé dont le sens est celui de l’accomplissement de cette entité préfigurée dans le devenir spatio-temporel.

Deux sortes de violences accompagnent l’histoire ainsi conçue : celles qui sont légitimes, celles qui sont occultées.

Les violences légitimes

Puisque l’histoire de France est l’accomplissement d’un destin méta-historique, les conquêtes et les guerres (du moins celles qui sont victorieuses !) sont légitimes, elles réalisent un projet inscrit au commencement des temps. Les agrandissements territoriaux et les guerres sont dans le sens de l’histoire. Sous la Troisième République, l’historiographie scolaire est une célébration, influencée par le providentialisme de Jules Michelet. Pour ce dernier, l’événement de la Révolution a fait de la France le Messie des temps nouveaux et nimbé son histoire de transcendance. « Toute autre histoire est mutilée, la nôtre seule est complète ; prenez l’histoire de l’Italie, il y manque les derniers siècles ; prenez l’histoire de l’Allemagne, de l’Angleterre, il y manque les premiers. Prenez celle de la France, avec elle vous savez le monde. [...] La France a continué l’œuvre romaine et chrétienne. Le christianisme avait promis, et elle a tenu. [...] Il faut pour le sacrifice un Dieu, un autel..., un Dieu en qui les hommes se reconnaissent et s’aiment. [...] Il fallut que ce Dieu eût sa seconde époque, qu’il apparût sur la terre, en son incarnation de 1789 2. »

Je reviendrai à la fin sur les paradoxes de l’historiographie libérale et républicaine qui a intégré sans état d’âme l’éloge des « rois qui ont fait la France », parallèlement au culte de la Révolution qui a renversé cette royauté. Le préalable gaulois permet d’annexer Clovis et Charlemagne, dont les conquêtes sont légitimes comme celles des Capétiens. Et cela n’est pas remis en question dans les manuels renouvelés à partir des années 1970. Ceux-ci, sous couvert d’une prétendue objectivité, légitiment de fait toutes les conquêtes.

Un exemple : les combats de Charlemagne pour conquérir et convertir les Saxons. Dans le récit du Petit Lavisse (édition 1924), empreint d’une affectivité ambiguë, sous le titre « Grandeur de Charlemagne », les violences suscitent ce commentaire : les Saxons « n’étaient pas encore chrétiens. Charlemagne voulut les faire chrétiens. Il alla dans leur pays plus de trente fois. Il brûla leurs villages et détruisit leurs moissons. Un jour il fit couper la tête à des centaines et à des centaines de Saxons. Il n’était pourtant pas méchant. Mais dans ce temps-là, les hommes faisaient des choses qui nous paraissent aujourd’hui atroces [souligné dans le texte]. À la fin les Saxons ne se défendirent plus. Ils furent baptisés et devinrent chrétiens. »

Dans les manuels des programmes Chevènement, les rois francs et donc Charlemagne figurent toujours dans les « mille ans qui ont fait la France ». Le manuel Delagrave justifie l’épisode de la conversion forcée des Saxons au détour d’une phrase. « Les rois francs Pépin-le-Bref et Charlemagne, y est-il écrit, font peu à peu la conquête d’une grande partie de l’Europe de l’Ouest. Charlemagne, en effet, rêve de restaurer la puissance de l’Empire romain d’Occident. [...] Il lui faut [je souligne] plus de cinquante expéditions pour y parvenir. Il se dit père de l’Église et il oblige les peuples à devenir chrétiens. »

Dans d’autres manuels, la conversion n’est plus mentionnée, mais la conquête est implicitement justifiée par l’agrandissement (notion clef dans la légitimité des conquêtes), la pacification et la « récompense » du couronnement par le pape. Il est écrit dans le manuel Hachette que « Charlemagne agrandit le royaume des Francs. Il repoussa les musulmans de l’autre côté des Pyrénées. [...] À la Noël de l’an 800, le pape le sacra empereur à Rome. La paix régnait à nouveau dans le vaste empire ». Dans le manuel Hatier : « En Italie, il s’empare du royaume des Lombards, et en Germanie de la Saxe et de la Bavière. Il protège le royaume en organisant des régions frontières. [...] Il contrôle un vaste territoire quand le jour de Noël 800 le pape le couronne empereur. »

Les violences occultées

 

On voit déjà dans l’exemple des Saxons la relation qui peut exister entre violence légitime et violence occultée : l’historiographie dont le Sujet est le Pouvoir victorieux exclut l’Autre, le vaincu. Dans la mesure où l’histoire est prédestination de l’extension territoriale du dix-neuvième siècle, les violences occultées se dessinent en creux tout au long du récit : violences faites au vaincu et occultation des résistances. L’extermination des cathares au treizième siècle est significative de l’évolution des manuels à l’égard d’une même occultation. Le Lavisse consacre deux paragraphes à « La croisade des Albigeois » et ses conséquences. « Au temps de Philippe-
Auguste, il se passa dans le Midi des événements terribles. Un grand nombre de gens étaient hérétiques, c’est-à-dire qu’ils ne voulaient pas croire ce qu’enseignait l’Église. [...] Le pape prêcha une croisade contre eux. Les seigneurs du Nord prirent part à cette croisade où des atrocités furent commises. Le pape établit un tribunal appelé Inquisition. Les juges de ce tribunal recherchaient les hérétiques et les condamnaient à des peines très dures, même [je souligne] à mort
.

Acquisition de provinces dans le Midi. Philippe- Auguste n’alla pas à cette croisade ; mais il y envoya son fils. Ce fils devenu roi sous le nom de Louis VIII réunit au domaine royal les pays de Beaucaire et de Carcassonne. Ainsi le domaine du roi commença de s’étendre dans ces pays du Midi qui paraissaient fort éloignés [...]. »

Dans les manuels des programmes 1985, la croisade des Albigeois est soit complètement ignorée (manuel Hachette) soit résumée en quelques lignes sans commentaires.

Manuel Delagrave, chapitre sur les croisades. Alors que le Petit Lavisse écrit que « le sang coulait dans les rues », ici les violences qui accompagnent la prise de Jérusalem ne sont même pas évoquées : « La première croisade arrive devant Jérusalem en 1099 : elle prend la ville sainte le 15 juillet.» L’identification du lecteur est sans réserve du côté de la croisade.

« De véritables croisades ont lieu aussi en Europe même (sic). En France les Albigeois du Languedoc 3 aquitain sont considérés comme des hérétiques ; on les appelle des cathares ; ils sont massacrés par les troupes des chevaliers du Nord ; certains sont brûlés vifs près du château de Montségur, dans la région de Foix (1244). »

Cette sèche évocation ignore la lutte héroïque des cathares, arrière-plan épique de la mémoire culturelle dans la région. D’une façon générale, qu’il s’agisse des annexions de la Bretagne (1532), du Béarn (1620), du Roussillon et de la Cerdagne (1659), du Nord (1665), de la Franche-Comté (1678), de la Corse (1768), jamais les résistances politiques ou guerrières ne sont évoquées, elles ont été et sont toujours ignorées de l’historiographie « nationale ». Et parallèlement les cultures, les langues des espaces conquis se dissolvent dans les avancées territoriales de l’État. Leur existence historique est niée. « L’enfer est privation d’histoire », écrivait en 1970 Morvan Lebesque dans son ouvrage Comment peut-on être Breton ?

Des actions qui seraient qualifiées aujourd’hui de crimes d’État et de crimes contre l’humanité sont également hors champ historiographique. Même si les notions n’existaient pas alors, ne pourrait-on dévoiler ces crimes en tant que faits historiques ? Dans l’imagerie traditionnelle, Louis XIV, malgré ses défauts, demeure « le Roi Soleil », celui de Versailles et de ses splendeurs, mais il n’est pas celui qui, par trois fois, ordonna aux armées de Louvois la dévastation du Palatinat, villages incendiés, églises détruites, populations assassinées.

Deux occultations majeures sont à la racine du malaise et du confusionnisme identitaire 4 qui pointent dans la presse au moment où ces lignes sont écrites (voir notamment Le Monde du 22 février 2005). Je veux parler de la revendication d’un certain nombre de jeunes Français qui se proclament « indigènes de la République » et réclament des assises de l’anticolonialisme. Leur malaise a différentes causes, mais le porte-à-faux de l’historiographie nationale en est une.

Totalement ignorée dans le Petit Lavisse, la traite des Noirs est implicitement justifiée dans deux des trois manuels des années 1985 ici pris en compte. Celui de chez Hatier est muet sur le massacre des Indiens comme sur la traite des Noirs.

Manuel Hachette : « L’exploitation du nouveau Monde. [...] les Indiens furent réduits en esclavage. Victimes de mauvais traitements, ils mouraient par miliers. En moins de cent ans, la population de l’Amérique diminua des trois quarts. Il fallut [je souligne] faire venir des esclaves d’Afrique. »

Manuel Delagrave : « Les premières colonies. Espagnols et Portugais s’emparent de vastes territoires en Afrique et en Amérique : Antilles, Mexique, Pérou, Brésil. Ils trouvent des mines d’or et d’argent. Ils massacrent les habitants ou en font des esclaves : ils y trans- portent même (souligné par moi) des Noirs d’Afrique. » (On notera que la traite française n’est pas mentionnée.)

L’autre occultation majeure concerne l’ensemble des brutalités qui ont caractérisé la colonisation aux dix-neuvième et vingtième siècles, principalement en Algérie.

Comment s’est construite l’histoire nationale ?

Les outils pour cette réflexion existent cependant. Mais un mélange de tabous et d’intérêts complexes n’a jamais permis un véritable débat français sur l’histoire nationale. Préfaçant l’ouvrage À l’est la mémoire retrouvée (La Découverte 1990), l’historien Jacques Le Goff remarquait : « Si nous nous penchons sur notre mémoire collective, à nous peuples et nations d’Occident, nous y voyons aussi beaucoup de mensonges, de silences, de blancs. Les Français, sans être les pires, n’ont pas encore mis au propre, pour ne parler que du passé récent, leur mémoire de la colonisation, de la guerre et de l’Occupation, de la guerre d’Algérie. » Certes, le procès Papon et divers événements médiatiques ont fait progresser la connaissance de ce passé-là, mais la stratigraphie historiographique sur laquelle repose le vieux récit scolaire n’a jamais été mise en question. En voici un très bref aperçu.

Par référence aux querelles idéologiques du dix-huitième siècle, la Révolution française avait marqué le triomphe des « Gaulois » représentant le Tiers État sur les « Francs » ancêtres des aristocrates. Le colloque de l’université de Clermont-Ferrand a étudié en 1982 la genèse du mythe gaulois en France. De façon plus générale la celtomanie était une mode chez les élites libérales et romantiques européennes au début du dix-neuvième siècle. En 1828 l’historien Amédée Thierry publiait une Histoire des Gaulois depuis les temps les plus reculés... désignant ceux-ci comme « une race de laquelle descen-dent les dix-neuf vingtièmes d’entre nous ». Les Gaulois, par lui, étaient promus ancêtres des Français.

Les historiens du dix-neuvième siècle ont plaqué le mythe gaulois en amont de l’histoire des rois, transmise depuis le seizième siècle par différents « abrégés d’histoire de France ». Ces derniers reprenaient et prolongeaient les Grandes Chroniques de France rédigées au treizième siècle. Ce roman des rois, écrit en langue vulgaire de Paris à la glore des Capétiens désormais porteurs du titre de « roi de France », avait pour dessein de les légitimer comme successeurs des Carolingiens, dont au cours du dixième siècle, ils avaient usurpé le titre prestigieux de roi des Francs, rex Francorum. Pépin, le père de Charlemagne, avait lui-même, au huitième siècle, enlevé le pouvoir aux descendants de Clovis par un « coup d’État ». Les moines de l’abbaye de Saint-Denis, rédacteurs des Grandes Chroniques, avaient compilé un ensemble de textes latins remontant à Grégoire de Tours (sixième siècle) et relatant l’histoire des Francs. Les Chroniques incorporaient les deux mythes qui permettaient d’escamoter les usurpations : l’origine troyenne des Francs et le baptême-sacre de Clovis. Vaincus de Troie (Ilion), les Francs avaient traversé l’Europe après la défaite, ils avaient pénétré dans l’Empire romain en voie de dislocation, et Clovis avait fondé le grand et prestigieux royaume des Francs (regnum Francorum). Le baptême de Clovis instaurait la continuité des pouvoirs : l’huile apportée par la colombe se conservait miraculeusement dans l’église de Reims et l’onction (le sacre) avec cette huile merveilleuse avait fait des Carolingiens, et faisait des Capétiens, les héritiers mystiques de Clovis.

Clovis était ainsi le premier roi « de France » — titre qu’il n’avait jamais porté ! Entre la Gaule de César et Vercingétorix et la Révolution, l’historiographie des « trois dynasties » successives subsiste comme trame de l’histoire de France libérale puis républicaine.

Augustin Thierry, le frère d’Amédée, parlait des « trois races » dans ses Lettres sur l’histoire de France. Mais pour lui la troisième, celle des Capétiens, était vraiment « nationale ». Jules Michelet, dans son Histoire de France, s’inspirait à la fois des deux frères. L’histoire commençait avec les Celtes (ou Galls). Suivant en cela Augustin Thierry, il célébrait les Capet comme « l’avènement de la nationalité française ». Mais pour lui, la France avait toujours été là. « La France, écrit-il dans le même passage, a déjà parcouru deux âges dans sa vie de nation. »

L’invention du passé d’une nation France perçue comme essence extra-historique, cette France magnifiée par Michelet demeure plus ou moins consciemment le point d’ancrage secret de l’imaginaire républicain et le support de l’histoire enseignée à l’école élémentaire. Si l’on veut vraiment prendre au sérieux les demandes de mémoire des jeunes Français évoqués plus haut, qui se proclament « les indigènes de la République », et pallier les violences contenues derrière les frustrations, l’histoire de France fabriquée au dix-neuvième siècle serait à déconstruire, l’ombre de Michelet à exorciser pour mettre en nouvelle perspective un passé français aux multiples racines et facettes.

Il y faudrait un peu d’audace, des imaginations concertées et la certitude de répondre à une urgente nécessité. ■

1) Cité dans : Suzanne Citron, Le Mythe national, Éd. Ouvrières/Éd. De l’Atelier, 1991, p. 104.

2) Jules Michelet, Le Peuple, Paris Flammarion 1972, p. 57, première édition 1846, cité in Le Mythe national, op. cit., p. 19.

3) Noter l’anachronisme : l’appellation de Languedoc est postérieure à l’annexion !

4) Note de la rédaction d’ANV : Le Monde du 22 février 2005 rend compte d’un phénomène de plus en plus massif : certains jeunes Français se proclament « indigènes de la République », et ceci la veille d’une loi inique adoptée par l’Assemblée nationale le 23 février 2005 qui stipule que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » !

 

 

Débarrasser l’histoire de ses mythes

« L’école doit faire comprendre qu’aucune nation ou société n’est ethniquement pure, mais que toutes sont le produit de métissages culturels. L’idée que la paix et la négociation valent mieux que la guerre est le fondement de la construction européenne et s’oppose ou se substitue à l’ancienne logique des histoires nationales... Certes l’histoire est en partie faite de violences, il ne s’agit pas de les occulter naïvement, mais il est important de montrer qu’il y a des points de vue différents selon la place où l’on se trouve. »

Extrait d’un entretien que Suzanne Citron a accordé au magazine Non-Violence Actualité, n° 274, « Enseignement de l’histoire et culture de la paix », 5 euros. Courriel de NVA : nonviolence.actualite@wanadoo.fr

Raconter honnêtement la guerre d’Algérie est possible !

 

« La guerre d’Algérie a été un grand drame. L’Algérie était divisée en “trois départements français”. Mais les musulmans, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, n’étaient pas reconnus comme “citoyens”. Ils ont manifesté à Sétif, le 8 mai 1945, le jour de la victoire sur les nazis. Il y a eu une terrible répression. Le gouvernement français a accordé le droit de vote aux musulmans, mais il a truqué les élections qui ont suivi.

Des Algériens se sont soulevés en 1954. Ils ont formé un Front de libération nationale — le FLN. Une guerre a commencé. Le général de Gaulle est revenu au pouvoir et a fondé la Ve République (1958). La guerre a continué. Elle a été affreuse dans les deux camps. Les combattants algériens ont commis des atrocités. De son côté, la République française s’était déshonorée en autorisant son armée à pratiquer des méthodes de torture qui rappelaient celles de la Gestapo.

En 1962, par les accords d’Évian, l’Algérie devenait indépendante. Mais la guerre avait créé de profondes méfiances. Les pieds-noirs (Français d’origine européenne installés en Algérie) et les musulmans harkis, qui avaient combattu dans l’armée française, ont quitté l’Algérie en catastrophe. »

Extrait du livre, L’Histoire des Hommes racontée par Suzanne Citron, Paris, Syros-Jeunesse, 1999, pp. 314-315. (Voir la recension dans « Nous avons lu... »)


Article écrit par Suzanne Citron.

Article paru dans le numéro 136 d’Alternatives non-violentes.