Une nouvelle forme de vie politique s’est instaurée dans la société sud-africaine ces dernières années, pour que les Noirs et les Blancs apprennent à vivre ensemble après la haine, les dégâts et les morts résultant de l’apartheid. Comment créer maintenant du lien là où il y avait séparation et violence ?
Une nouvelle forme de vie politique s’est instaurée dans la société sud-africaine ces dernières années, pour que les Noirs et les Blancs apprennent à vivre ensemble après la haine, les dégâts et les morts résultant de l’apartheid. Comment créer maintenant du lien là où il y avait séparation et violence ?
La thématique sécuritaire pèse de plus en plus lourd dans les agendas politiques. Peu de pays sont épargnés par la question du traitement de l’insécurité et les gouvernements n’ont souvent pas les moyens de satisfaire à des exigences sociales toujours grandissantes. Faute de services étatiques, les initiatives citoyennes se multiplient pour pallier aux manques qui se créent dans certains quartiers. Des organismes de résolution de conflits voient le jour afin de répondre aux problèmes les plus urgents que l’on rencontre dans les communautés plus ou moins défavorisées. En nous inté- ressant à un modèle précis de gouvernance de la sécuri- té dans les communautés pauvres, nous proposons de décrire comment, en Afrique du Sud, de telles initiatives se sont développées après la chute de l’apartheid, dans des ghettos qui, dix ans plus tard, portent encore les traces du régime séparatiste.
Contexte politique sud-africain et recherches canadiennes
Il serait superflu de revenir, en ce début d’article, sur le système discriminatoire et fortement inégalitaire mis en place en Afrique du Sud par le régime politique d’apar- theid. Nous préférons nous focaliser sur les débuts des années 1990, période à laquelle, grâce à des mouvements de libération plus visibles, la scission au sein du pays devint plus qu’ostentatoire. D’un côté les communautés aisées, souvent blanches et comparables selon certains critères à des gated communities ; de l’autre les townships, le plus souvent noirs, qui se sont développés de manière spontanée autour des grandes villes telles que Cape Town, Johannesburg ou des villes moyennes telles que Worcester. Les quartiers « blancs » peuvent jouir d’une présence policière affirmée alors que les quartiers « noirs » sont soumis à une police répressive et oppressive, peu efficace, voire oisive (Dupont et al, à paraître). Il faut dire qu’au cours des années 1980, le parti de l’ANC (African National Congress ; Nelson Mandela en devint brièvement le président) avait créé une politique « visant à rendre impossible la gestion des townships, développant dans de nombreux domaines un système alternatif de gestion passant par des associations municipales et des comités de rue. Certaines de ces structures tombèrent dans les travers de l’autodéfense et de la corruption, et même les plus efficaces et les plus pacifiques d’entre elles ont connu un dépérissement durant la dernière décennie (Cartwright et al., 2002) ».
Comment, dès lors, résoudre les problèmes d’injustice, d’iniquité sociale tout en valorisant les idéaux démocratiques fraîchement instaurés par le nouveau gouvernement ? Comment remédier à une fonction publique en pleine crise de légitimité ?
Un début de réponse arrive de Toronto. Au cours des années 1980, des chercheurs du Centre de criminolo- gie de l’Université conduisent des recherches sur les tendances en matière de gouvernance locale de la sécurité. Ces études aboutissent au développement des notions de gouvernance nodale qui traduisent les transforma- tions de la gestion de la sécurité dans les sociétés modernes (multilatéralisation et pluralisme des comman- ditaires et producteurs de sécurité). Ces travaux mettent en évidence un panel de mécanismes préconisant la mobilisation du savoir et des capacités locales dans cette gouvernance 1, à la fois dans les secteurs publics et privés. Devant l’enlisement des techniques traditionnelles (i.e. : centralisées) de gestion de la délinquance et de l’in- sécurité, et devant l’abandon plus ou moins prononcé de certaines communautés 2 défavorisées par les différents acteurs de l’État, un modèle de gouvernance locale est créé dans plusieurs pays (Canada, Argentine...). Les deux principes fondamentaux du modèle sont les suivants :
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— il n’est ni productif ni conseillé, au sein de communautés dans lesquelles un déficit de gouvernance est constaté, que les instances étatiques financent, contrôlent et gèrent un programme social se voulant compréhensif et dans lequel les citoyens n’auraient qu’un rôle de récipiendaires passifs de ces services ;
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— les communautés défavorisées (où le déficit est le plus grand) possèdent le savoir et les capacités locales nécessaires pour devenir de véritables acteurs dans la gestion de ces difficultés 3. Il s’agit d’identifier ce capi- tal social et de le débloquer, d’examiner les problèmes et leurs causes, et de proposer des solutions pour y pallier (Cartwright et al, op. cit.).
Au milieu des années 1990, un projet de gouver- nance des capacités locales est soutenu par le ministre de la Justice sud-africain, Dullah Omar, ainsi que par George Fivas, le responsable national de la police sud- africaine. Ce projet combine les idées développées par les chercheurs canadiens et celles de la Commission Goldstone, cette dernière relative à la gestion de la sécu- rité et à la promotion de la démocratie en Afrique du Sud (entre autres l’organisation des premières élections démocratiques). L’idée centrale du projet est de dévelop- per des initiatives communautaires visant à propager les idéaux démocratiques et — disons-le clairement — à combler les vides de gouvernance dans les communautés pauvres d’Afrique du Sud.
Zwelethemba : l’espoir pour une meilleure justice
La communauté de Zwelethemba, un township des alentours de Worcester4 , est choisie comme site pilote. Le modèle sera plus tard nommé d’après cette communauté : « zwelethemba » signifie « lieu d’espoir » en Xhosa.
Le contexte dans lequel le modèle s’est développé mérite que nous nous arrêtions quelques minutes sur les conditions de vie à l’intérieur de ces townships.
Lorsque l’on met le pied dans ces communautés, on entre dans une banlieue dans son sens étymologique. L’expression « zones de non-droit » vient facilement à l’esprit. La promiscuité règne partout là où le regard se pose. Les maisons en bois, en tôle ou en divers matériaux de récupération, sans fondation ni plancher, d’environ 10 m2, abritent toute une famille. Elles sont particulièrement vulnérables aux intempéries et les jour- naux nationaux font régulièrement état d’incendies spectaculaires et dévastateurs. Les services normale- ment assurés par l’État n’y sont que peu prodigués, bien que des efforts en la matière soient faits depuis quelques années. Les habitants manquent d’eau, d’élec- tricité, de structures sanitaires et de sécurité. Il faut dire que l’État, bien que loin d’être un État faible tel qu’on pourrait l’entendre, n’a pas les ressources suffisantes pour pourvoir à tous ces besoins. La police, entre autres, ne peut dispenser son rôle de manière équitable sur le territoire, ce qui crée des « vides » sécuritaires centrali- sés sur ces townships au profit de zones urbaines et périurbaines plus aisées. Le manque global de gouvernance devient évident.
Mais il serait trop facile de s’arrêter sur cette des- cription fort négative des ghettos sud-africains. Une fois le choc visuel passé, une réalité s’offre. Moins pragma- tique et davantage culturelle, elle laisse entrevoir toute l’ingéniosité et le savoir des habitants de ces quartiers. Leur courage. Leur opiniâtreté. Face aux nécessités quotidiennes, cette population a su aller puiser non seule- ment dans les matériaux à portée de main, mais aussi dans des connaissances et un bon sens pratique qui peuvent en impressionner plus d’un. Les produits finis méri- tent bien leur nom : les maisons restent minuscules mais fonctionnelles, protègent des intempéries les plus communes, les jardins et les poulaillers apportent quelque nourriture et rands supplémentaires aux maigres revenus familiaux. Un Germinal sud-africain du XXIe siècle...
Mais quittons notre imagerie d’Épinal et revenons-en à la gouvernance : tout romantique et nostalgique qu’il soit, ce cadre socio-économique et le contex- te sécuritaire s’avèrent être un bouillon de culture parfait pour mettre en place un programme voulant pallier au déficit de gouvernance.
Le modèle Zwelethemba : conciliation et pratiques démocratiques
Le modèle commence par mobiliser les ressources pre- mières de ces communautés autour de la résolution pacifique de conflits (un principe conforme à certaines théories de justice réparatrice) et dans la construction d’une forme de capital social qui peut s’étendre à diverses actions de reconstruction communautaire.
Avant de mobiliser toute instance judiciaire, on réunit les parties opposées au cours d’une assemblée, pendant laquelle les conflits sont débattus (Peacemaking) sous la supervision d’un comité de facilitateurs (le peace committee, ci après « PC ») recrutés au sein de la commu- nauté et familiarisés à une forme de médiation de quartier5. Ces derniers jouent le rôle très particulier d’une tierce partie impartiale envers les problèmes débattus, mais capable d’une compréhension « quasi empathique » des besoins exprimés. Les différends sont d’abord exposés en privé, puis en présence des deux parties. Une discussion s’engage : d’abord découvrir une réponse consensuelle au problème, puis identifier d’éventuelles raisons plus profondes aux comportements déviants6. Quand une réparation satisfaisante pour les deux parties est atteinte, un accord est signé, un plan d’action mis en place. Un membre du PC est chargé du suivi de celui-ci, afin d’assurer la résolution effective du problème.
La gestion des conflits et l’intégralité des actions du PC sont guidées par un code de conduite (Code of Good Practice) qui assure fiabilité et impartialité des facilitateurs ainsi que rigueur procédurale. Un élément essentiel du modèle est le respect fondamental de ce code.
Celui-ci, ainsi que les différentes étapes réparatrices de la (ré-)conciliation, structurent les actions du PC afin de faciliter la communication et l’expression du besoin chez chacun. Il établit également une terminologie et une grille de régulation et d’évaluation qui sont utilisées lors de chaque étude de cas.
Dans le cas où des causes plus générales sont identifiées (cf. note 6), le PC peut s’engager à financer des actions de développement communautaire (Peace building) : une des particularités du modèle est le financement (via des subventions publiques ou privées) de ces actions de restructuration et la rémunération forfaitaire des facili- tateurs d’assemblée. Environ 200 zar (25 €) sont répartis par assemblée tenue entre tous les membres du PC ayant assisté à cette réunion. La même somme est attribuée à un fonds, qui sert à financer diverses activités qui profitent à la communauté : soupes populaires, achat de structures de jeux pour les enfants, de vêtements, soutien de troupes de théâtre qui sensibilisent la population à des thèmes tels que le sida, l’hygiène, etc.
En approfondissant la démocratie par le développement systématique de procédures consultatives et par une focalisation communautaire accrue, le modèle Zwelethemba a ainsi permis aux populations défavorisées des townships sud-africains concernés :
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— d’autogérer les conflits dans leur communauté ;
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— d’exploiter leur savoir-faire pour développer des projets communautaires ;
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— de profiter de fonds et d’une structure administrative pour soutenir ces idées
Résolution de conflits, réconciliation nationale et engouement démocratique
Il convient ici de remettre ce modèle de gouvernance dans le contexte très spécifique d’une Afrique du Sud post-apartheid. La question se pose : en quoi le modèle Zwelethemba contribue-t-il à la réconciliation des deux principales communautés « raciales » du pays (Raynaud, in Cassin et al., 269) et à la propagation des idéaux démocratiques nécessaire à la reconstruction du pays ?
Il faut rappeler que l’intention première du modèle est celle d’une micro-gouvernance et non de retisser le lien social national déchiré par les tortures, les massacres et la discrimination tranchante du régime séparatiste. L’initiative veut parer aux besoins les plus pressants dans les quartiers défavorisés en puisant dans un capital social particulière- ment riche et un savoir local souvent ignoré par les gouver- nements traditionnels. Ce faisant, en insistant sur la négociation systématique des actions de réparation, l’arrangement consensuel et la discussion transparente des besoins communautaires suivie des initiatives locales appropriées, le modèle Zwelethemba remplit son premier contrat de diffusion et d’enrichissement démocratique. Sur le thème duself-help, la population de ces quartiers auparavant délaissés, plutôt que de se complaire dans un simple statut de récipiendaires de services, s’est élevée à un statut d’acteur (dont la qualité principale est de connaître de manière plus qu’approfondie la situation environnante) efficace et proactif de son propre bien vivre. Cette micro-gouvernan- ce des townships illustre l’efficacité des modes de gestion dits « bottom-up » lorsqu’ils sont bien employés et structurés. Dans des communautés dans lesquelles « s’est développée une culture de violence qui n’a pas été canalisée de manière à construire positivement l’avenir » (Sooka, in Cassin et al. op. cit., p. 342), renaissent la tolérance, le respect d’autrui et surtout la non-violence. Au 31 octobre 2004, on dénombre plus de 11 000 assemblées menées avec succès, suivies d’actions de développement communautaire qualifiées « d’efficaces et/ou profitables à la communauté ». 35 000 personnes ont participé aux déli- bérations et 314 000 € de revenus ont été redistribués dans les communautés. Cela peut sembler minuscule à l’échelle d’un pays de près de 44 millions d’habitants, mais le virus culturel bienfaisant qu’est devenu le modèle Zwelethemba se propage de manière significative et on compte désormais 21 communautés pratiquant le Peacemaking et lePeacebuiling, de Khayelitsha (le principal township à la périphérie de Cape Town) jusqu’à Welkom (Free State).
Notre dernière question demeure. En quoi cela peut-il participer à la réconciliation nationale ? Le modèle Zwelethemba a le mérite d’enrichir la démocratie au sein des communautés noires et nulle part dans notre contri- bution, nous n’avons mentionné de communauté blanche faisant partie du programme. La pratique nous amène à constater l’inexistence de facto d’assemblée interraciale au sein du modèle. Il existe certes des com- munautés de couleur au sein du programme (dix ans après l’abolition des politiques séparatistes, il reste un semblant de classification sociale hiérarchisée White,Colored et Black), mais les résolutions de conflits, sou- vent limitées sur les plans pratiques et géographiques 7par l’entité « quartier », ne s’étendent que rarement à des communautés lointaines ou plus aisées. Car il faut en revenir aux réalités socio-économiques du pays. Malgré de réels progrès au cours de la dernière décennie, les communautés noires restent relativement cloîtrées, par méfiance, rancœur ou, plus souvent, nécessité écono- mique. Un Blanc gagne en moyenne sept fois plus qu’un Noir, la pauvreté reste endémique et en 2000, 19 millions de personnes vivent avec moins de 50 € par mois (South African Government, National Report on Social Develop- ment, 1995-2000, May 2000).
Or, selon le manifeste de l’ANC, « aucune démocratie politique ne peut survivre et prospérer si la majorité de notre population demeure pauvre, privée de terres et dépourvue de raisons concrètes d’espérer en un avenir meilleur ». C’est sur ce point que le modèle Zwelethemba participe à la reconstruction du pays et à la réconciliation (à long terme) des populations sud-africaines. La micro-gouvernance des quartiers pauvres permet non seulement de redistribuer certaines richesses, mais aussi d’alléger la demande auprès des services de l’État, lequel peut ainsi réallouer ses ressources et participer plus activement au mieux-vivre dans ces communautés. De plus en plus de familles emménagent dans des habitations solides et peu- vent jouir de services jusqu’alors limités, comme l’eau et l’électricité. Les cicatrices restent visibles, mais s’amenuisent et c’est ainsi que l’on constate, à force d’observation et de temps, davantage d’interaction entre les différentes populations sud-africaines. La nature des soucis quoti- diens se modifie et laisse peu à peu la place sinon à l’oubli, au moins à un pardon qui reste prudent.
Par ailleurs, la force publique est épargnée par la demande. D’abord parce que le PC prend en charge davantage de petits conflits qui de ce fait ne nécessitent pas l’activation des institutions judiciaires, mais aussi au travers de partenariats qui augmentent la coopération entre le service public et les PC et évitent aux commu- nautés de tomber dans un engrenage d’autarcie et de marginalisation. En 2002, à Nkqubela (Western Cape), un poste de police récemment fermé pour cause de restric- tions budgétaires a été rouvert en partenariat avec leCommunity Peace Programme, sous la forme du premierCommunity Peace Centre. À ce jour, on constate que les policiers et le PC gèrent les conflits de la communauté selon des quotas respectifs de 1/3 et 2/3, ce qui permet au gouvernement d’encore mieux gérer ses efforts.
Quelques détails structurels
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Le Community Peace Programme (CPP), structure admi- nistrative des peace committees est un organisme non gouvernemental de l’Université de Western Cape.
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Dans les Community Peace Centres, la police et les PC tra- vaillent de concert en assurant des permanences 16 heures sur 24 heures ainsi que des assemblées plusieurs fois par semaine afin de résoudre des conflits référés au PC par les policiers eux-mêmes et avec accord des parties. Dans ces cas très précis, c’est la police qui se charge de fournir des locaux qui sont par la suite réaménagés afin de corres- pondre aux besoins du modèle (une salle permettant la réunion « en cercle », une trauma room, etc.).
En conclusion...
La démocratie progresse chaque jour un peu plus en Afrique du Sud. Le pays porte encore les séquelles des injustices de l’apartheid, mais les initiatives de dévelop- pement communautaire et les programmes de micro- gouvernance comblent petit à petit les manques économiques et les dommages socio-politiques. Néanmoins, comme le souligne Sooka (op. cit., 342), « guérir les blessures relève d’un processus individuel qu’un comité ou une structure ne peut mener à bien ». La réconciliation nationale nécessitera un long processus de choix que chaque victime devra faire, et ce dans des conditions radicalement différentes de celles du passé. Le modèle Zwelethemba fait partie de ces initiatives qui reconstruisent le droit du choix, sinon les droits tout court. La citoyenneté est plus que jamais chérie et l’éventail des possibilités s’ouvre chaque jour un peu plus dans des communautés qui étaient auparavant la honte de la civi- lisation moderne.
Si les progrès continuent à ce rythme, la démocratie sud-africaine pourrait même éviter les erreurs des démocraties occidentales, dans lesquelles le citoyen revendique ses droits, s’appuie particulièrement fort sur l’État et oublie parfois ses devoirs. Il se pourrait donc que les communautés pauvres sud-africaines ouvrent un jour la voie à l’amélioration des républiques et des démocraties futures. C’est Tocqueville qui serait fier... ■
Isabelle BARTKOWIAK-THÉRON *
*Chercheur, Regulatory Institutions Network, Australian National University.
1) L’utilisation des capacités locales est « un mode de gestion d’une communauté basé avant tout sur le savoir et le potentiel des personnes au niveau local » (Cartwright et al, op. cit.).
2) Nous avons débattu ailleurs de la notion de community(Bartkowiak, 2003, voir aussi Crawford 1997, etc.). Bien que le terme soit pluri-sémantique, nous nous conformerons, dans la suite, à la signification d’une entité culturelle et géographique limitée, plus ou moins isolée.
3) « In urban areas it is likely that evidence of social capital can be determined in processes where the state is absent or failing to perform » (Harrison, in Parnell & al., 2002, p. 224).
4) Worcester est une ville de 60 000 habitants, à 150 kilomètres au nord de Cape Town.
5) Il s’agit ici d’un coaching très informel. Les membres du comité, après avoir assisté à un atelier qui décrit le modèle, expose le code de conduite et indique comment remplir les formulaires, sont «formés» au fur et à mesure des cas qu’ils rencontrent, et au travers de réalignements systématiques au cours de réunions.
6) Par exemple : alcoolisme, dettes, chômage...
7) Les moyens financiers et de locomotion manquent pour atteindre certaines communautés plus éloignées, organiser le transfert des parties en conflit, etc.
Le Code de conduite (Code of Good Practice)
Nous visons la création de communautés justes, sûres et solidaires.
Nous respectons les droits de l’homme et du citoyen.
Nous ne nous écartons jamais de la loi.
Nous ne faisons jamais usage de violence.
Nous ne prenons jamais partie dans les conflits que nous examinons.
Nous travaillons pour la communauté dans le cadre coopératif d’une équipe et non en tant qu’individus.
Nous garantissons la totale transparence de notre travail, de sorte que chacun dans la communauté puisse y avoir accès et comprendre nos actes.
Nous ne dévoilons pas à l’extérieur les problèmes qui nous sont confiés.
Nous sommes engagés dans ce que nous faisons.
Notre seul but est d’améliorer la paix dans notre communauté, non de juger ou punir, de soulager et non de causer du tort.
Voilà ce en quoi nous croyons, voilà ce que nous réalisons et qui fait ce que nous sommes.
Résolution de conflit : un exemple
Une anecdote que les responsables du CPP aiment relater montre non seulement la nécessité de recourir aux capacités locales afin de régler les pro- blèmes internes à la communauté avant qu’ils ne dégénèrent, mais aussi la difficulté d’ignorer le senti- ment de vengeance qui habite parfois une victime.
La maison d’un disputant (appelons-le Chris) a été incendiée. Le voisin de celui-ci (André) est responsable du feu. Une réunion est organisée par lepeace committee afin de trouver réparation. Au cours de la discussion, André reconnaît avoir mis le feu à la maison de Chris du fait des insultes incessantes à son égard. Chris justifie celles-ci par des insultes similaires envers lui et sa famille depuis de longs mois. À nouveau interpellé et après de longs échanges,
Albert confie sa colère grandissante devant la destruction systématique de son petit potager par les poulets de Chris, lesquels sont en totale liberté entre les deux propriétés. Dans l’engrenage de la frustration grandis- sante, de la colère, des disputes toujours plus virulentes et des menaces, André finit par prendre les choses en main, et avoue « peut-être » être allé trop loin, qu’il aurait dû en discuter plus tôt avec son voisin avant d’en venir à des solutions si extrêmes. Une discussion quant à la réparation des dégâts s’ensuit. André, Chris et leurs familles participeront de concert à la reconstruction de l’habitation ainsi qu’à la création d’un petit poulailler clôturé. Après des excuses respectives, la session est fermée par un geste de paix (une accolade) et un chant traditionnel Xhosa.
Quelques semaines plus tard, un membre du comité chargé du suivi de la décision rapporte que le plan d’action a été respecté. Les familles ont égale- ment célébré la conciliation par un repas commun. Au menu : maïs, patates douces, salade et... poulet.