Quand Jaurès prend la parole

Auteur

François Vaillant

Année de publication

2014

Cet article est paru dans
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La prise de parole est constitutive de toute action non-violente, en ce sens que la parole est à l’origine de chaque action. Les discours de Jean Jaurès étaient si impressionnants que même en l’absence d’enregistrements, les experts décrivent aujourd’hui son art oratoire. L’article suivant étudie les effets de sa rhétorique, de ses gestes, de sa voix et de sa mémoire impressionnante qu’il utilisait pour défendre la dignité humaine.

Jean Jaurès est surtout connu pour son art oratoire. L’éloquence de cet homme politique reste hors du commun. Comment s’y prenait-il, comment préparait-il ses discours, a-t-il reçu une formation en ce domaine ? Comment ses adversaires ont-ils procédé pour faire taire cette voix ?

 

Quand, le 25 novembre 2005, le Collectif des déboulonneurs se lance à Paris dans l’action directe non-violente, en barbouillant, à visage découvert, plusieurs panneaux publicitaires, boulevard Montmartre — à quelques encablures du Café du Croissant, rue Montmartre, là même où Jaurès fut assassiné en 1914 —, personne ne fait écho de l’art oratoire de Jean Jaurès. Des analogies ne manquent pourtant pas. Jaurès est surtout connu pour sa capacité à captiver l’attention des députés lors de ses prises de parole à la Chambre, mais ce tribun a aussi parcouru toute la France, s’exprimant aussi bien lors de réunions publiques que lors de manifestations en plein air. À Paris, ce 25 novembre 2005, des activistes non-violents inscrivent à la bombe de peinture des graffitis « Pub = matraquage », « Pub = pollution visuelle » …, sur des panneaux publicitaires, comme ensuite en chaque fin de mois, maintenant dans de plus en plus de villes, pour exiger un changement de la loi de 1979, laquelle permet que l’espace public soit de plus en plus sali par une invasion publicitaire vantant une société de consommation effrénée. Et là, un phénomène préparé à l’avance se produit. Un tabouret sert à plusieurs activistes. Ils montent dessus à tour de rôle et s’adressent à forte voix à la bonne centaine de passants, puis même à la police quand celle-ci arrive. La parole vient expliquer aux passants ce qui se passe sous leurs yeux : une action de dégradation volontaire, une action non-violente de désobéissance civile dont les auteurs se portent responsables devant la police et la Justice1.

Sans micro, la parole des orateurs de fortune vient discrètement rassurer les passants, pendant que les journalistes prennent des notes et des photos. En effet, la prise de parole est constitutive de toute action non-violente. Jean-Marie Muller a certainement raison d’écrire dans son Dictionnaire de la non-violence que « La parole raisonnable et l’action non-violente se renforcent l’une l’autre, la parole soulignant la signification de l’action et réciproquement. En sorte qu’au plus intense de la lutte, la parole devient action et l’action devient parole. » Et de préciser : « Les méthodes de l’action non-violente ont, à l’égard du public qui regarde et écoute, une puissance pédagogique beaucoup plus forte que celles des méthodes violentes2. »

S’intéresser à l’art oratoire de Jean Jaurès, c’est plus qu’entrer dans un acte de mémoire, c’est entrer dans ce qui est constitutif de la non-violence, tant cet homme si singulier peut ici encore beaucoup nous apprendre. On ne dispose pas d’enregistrement sonore de la parole de Jaurès. Il s’est toujours refusé à ce que sa voix soit enregistrée au phonographe3. Nul ne sait pourquoi.

On dispose cependant d’un nombre si important de ses discours à la Chambre, lors des réunions publiques et manifestations diverses, ainsi que d’innombrables articles de presse, que les spécialistes estiment qu’il faudra dix-huit tomes de quatre cents pages chacun pour publier l’essentiel de l’œuvre de Jaurès. De plus, il a rédigé deux thèses universitaires, en philosophie, et seulement quatre écrits sous forme de livre : Les Preuves au moment de l’Affaire Dreyfus, L’Armée nouvelle et deux livres d’histoire. Il n’y a aucune autobiographie, Jaurès n’étant pas homme politique à se regarder le nombril. L’édition de l’œuvre de Jaurès est actuellement en cours de réalisation, grâce aux efforts de la Société d’études jaurésiennes. Quatre tomes sur dix-huit sont déjà publiés.

 

Jaurès à une tribune

Jules Renard s’est plu à décrire Jaurès parlant en public. « De l’accent, oui, mais on sourit à peine. D’ailleurs, c’est l’accent de l’airain. […] Jaurès va et vient sur la scène. […] Il parle plus souvent à sa gauche et à sa droite qu’au public lointain. Sans doute il cherche, il tire à lui les visages. […] Il varie peu ses gestes courts, mais bien chargés de vie. Les bras se relayent. Une main se repose dans la poche ou derrière le dos. L’autre, d’un doigt, désigne le sol (Jaurès explique alors, affirme, et met en demeure), ou, du doigt, elle frappe à petits coups […] horizontaux, elle ne se lasse pas de frapper, au front, les milliers de têtes. Quelquefois, pour achever une période, les deux bras se lèvent ensemble et s’agitent, éperdus, mais l’homme massif tient à la terre. […] Ses plus belles images, il donne l’impression […] qu’il les travaille sur place, qu’il se les arrache avec effort, certains mots craquent comme des racines. Puis, soudain, l’image jaillit, monte libre et se développe, une image de prosateur lyrique, pleine, importante et claire, qui plane en sécurité sur la foule. […] Et on admire ce que Jaurès peut faire entrer, ordonner dans une phrase4. »

Quand cet orateur s’exprime en public, il est lent à trouver sa vitesse de croisière, puis la syntaxe de ses phrases se met en place, et l’enchantement opère peu à peu. Quand un adversaire politique l’interrompt, Jaurès l’écoute, puis reprend le fil de ses idées tout en répondant à son détracteur avec tant « de netteté, témoigne encore Jules Renard, que l’interrupteur reste coi 5 ». Jaurès se livre, s’expose, faisant participer tout son corps à l’action oratoire. Et toujours sans micro puisque la sonorisation des lieux publics n’existait pas encore. Parler à mille ou deux mille personnes réunies, comme cela lui arrive fréquemment, ne lui fait pas peur. Sa voix porte. Il occupe la scène. Ses détracteurs l’accusent de faire trop « Comédie-française », peu lui importe. Les gens de la rue accourent pour l’entendre. Jaurès fait déplacer les foules. Il fait toujours corps avec elles, interpellant chaque visage en allant les chercher au fond des yeux. Il y a ici une forme de spectacle, mais c’est du bon spectacle, à la différence de ce à quoi nous invite de nos jours la plupart des hommes politiques qui ne savent plus saisir un auditoire et le faire vibrer. Il est certain que la télévision tue l’art oratoire, que l’emploi d’un micro révèle souvent l’incompétence à parler en public, tout d’abord en parlant assis, ce que ne fait jamais un bon conférencier ou autre orateur ! Mais les gens, lui, Jaurès, il les aime !  Voici l’un de ses secrets.

Il ne leur parle pas pour d’abord gagner des voix à des élections, même lors d’une campagne électorale. Jaurès veut avant tout convaincre ; c’est pourquoi il explique, il argumente, en faisant droit aux opinions contraires aux siennes. Ce passionné de la parole en public sait communiquer, y compris au niveau émotionnel, avec des gens très divers. Nous retrouvons là l’un des aspects caractéristiques d’un autre grand orateur, Martin Luther King, au sujet duquel Oates affirme que « le même discours pouvait à la fois toucher les docteurs en rien du tout et les docteurs en philosophie. King n’était pas le convoyeur neutre de phrases bien frappées.

Il croyait que le mot juste, chargé émotionnellement et intellectuellement, pouvait atteindre toute la personne et transformer les relations humaines6 ». Jaurès s’exprime, débat, argumente avec tellement de conviction que chacune de ses interventions l’épuise physiquement. Même s’il se requinque toujours rapidement, il change néanmoins de chemise après chaque intervention tant la première est dégoulinante de transpiration. Avant comme après chacun de ses discours, son comportement reste simple, ne développant « ni orgueil, ni envie, ni vanité. Le sentiment de sa propre puissance ne peut lui échapper, mais il ne donne jamais l’impression de se croire supérieur7 ». Et c’est le jeune Péguy qui témoigne, avant que celui-ci ne déclare à partir de 1913 qu’il préférerait voir Jaurès plutôt mort que vivant :  « Jaurès, écrit le jeune Péguy, est un vivant exemple de ce que peut et de ce que veut un socialisme vivifié, humanisé par la considération respectueuse de l’humanité passée, de toute l’humanité présente et future. […] Il ignorait totalement la haine8. » Les adversaires de Jaurès utilisent cependant d’autres vocables pour qualifier son art oratoire :  « gargouille oratoire » ;  « salivard » ; « raseur » ; « Napoléon du boniment » ; « moulin à parole »  9 ; « grande gueule sur un tas de tripes 10 ».

 

Contre la peine de mort

Comment s’étonner que Jaurès, ce frère en humanité, se soit prononcé contre la peine de mort, laquelle ne sera abolie en France qu’en été 1981 ?

Le 18 novembre 1908, Jaurès monte à la tribune de la Chambre des députés. Aristide Briand, alors garde des Sceaux, a déposé un projet de loi pour abolir la peine capitale. Jaurès prend la parole. Il est attendu au tournant, peu lui importe ! Penché, les mains ouvertes en direction des bancs, regardant un à un chacun des députés, il y met toute sa conviction. Il virevolte comme à l’accoutumée, se tend, se relâche, faisant résonner sa voix dans l’hémicycle : « […] Ce qui m’apparaît surtout, c’est que les partisans de la peine de mort veulent faire peser sur nous, sur notre esprit, sur le mouvement même de la société humaine, un dogme de fatalité. Il y a des individus, nous dit-on, qui sont à ce point tarés, abjects, irrémédiablement perdus, à jamais incapables de tout effort de relèvement moral, qu’il n’y a plus qu’à les retrancher brutalement de la société des vivants, et il y a au fond des sociétés humaines, quoi que l’on fasse, un tel vice irréductible de barbarie, de passions si perverses, si brutales, si réfractaires

à tout essai de médication sociale, à toute institution préventive, à toute répression vigoureuse mais humaine, qu’il n’y a d’autre ressource, qu’il n’y a plus d’autre espoir d’en empêcher l’explosion, que de créer en permanence l’épouvante de la mort et de maintenir la guillotine. »

Puis Jaurès argumente que la guillotine est contraire « à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution » française. Des députés l’interrompent régulièrement, dont Barrès. Il les écoute, puis reprend. « Nous disons, messieurs, qu’il est très commode et qu’il serait criminel de concentrer, sur la seule tête des coupables, toute la responsabilité. Nous en avons notre part, tous les hommes en ont leur part, la nation tout entière en a sa part. […] Combien est-il d’enfants pour lesquels la fréquentation de l’école n’est très souvent qu’une illusion, qu’un mensonge, ou qui n’y vont pas ou qui y vont à peine ! Combien est-il d’enfants qui, sans famille, sans contrôle, sans surveillance, livrés à eux-mêmes dans les rues et sur les places de Paris, y apprennent peu à peu l’audace et l’ingéniosité du crime et toutes les corruptions du vice ! Qu’avons-nous fait, que ferons-nous pour remédier à ce mal ? Et de même, quels sont les détestables conseils donnés par la misère et l’inoccupation à l’ouvrier en chômage ? […] Il est trop commode de trancher le problème avec un couperet, de faire tomber une tête dans un panier et de s’imaginer qu’on en a fini avec le problème. C’est trop commode de créer ainsi un abîme entre les coupables et les innocents. Il y a des uns aux autres une chaîne de responsabilité. Il y a une part de solidarité. Nous sommes tous solidaires de tous les hommes, même dans le crime. Voilà ce que proclame le droit moderne, voilà ce que proclame la doctrine républicaine. […] 11 » Jaurès va se rasseoir, épuisé mais heureux au fond de lui-même, sous des applaudissements mais aussi des huées qui s’entrechoquent. Les députés votent le 8 décembre… le maintien de la peine de mort, de crainte d’être mal compris par une certaine opinion tournée vers le tout sécuritaire. Au vote, les partisans du maintien de la peine de mort l’emportent par 330 voix contre 201. Jaurès perd une bataille qui lui tenait à cœur, comme aussi, à la même époque, celle du droit de vote des femmes (1907-1908) 12. « C’est le droit des femmes, estime Jaurès, de donner une expression politique aux sentiments et aux pensées que la vie sociale fait naître en elles. »

 

Comment Jaurès prépare-t-il ses discours ?

Quand Jaurès parle à la tribune de la Chambre, lors d’un congrès de l’Internationale, ou dans une bourgade de province, il n’a pas de texte devant lui ! Il lui arrive d’avoir quelques notes, mais il ne les regarde pas. N’allons pas nous imaginer pour autant qu’il improvise tabula rasa. Jaurès travaille tout le temps, même quand il marche à pied ou qu’il échange avec des amis à une terrasse de café. Il rumine sans cesse, écoute le travailleur ou l’enfant, scrute le paysage, questionne sans cesse le visible et l’invisible, lit beaucoup. C’est un lutteur né, avec une mémoire impressionnante ; c’est là que réside l’une de ses forces principales. Jaurès écrit parfois ses discours, mais il n’a plus besoin de texte sous les yeux pour se lancer dans la bataille des mots. Il mémorise ce qu’il écrit, fruit d’une ascèse quotidienne. Il lui arrive souvent de répéter à voix haute ses interventions, en marchant, qu’elles aient été ou non rédigées. Mais pour s’exprimer vraiment, il a besoin de visages en face de lui. « Quand il a près de lui un ami, il essaie en quelque sorte ses développements. […] Sa mémoire “monstrueuse” […] lui permet même de redire mot à mot un texte qu’il n’a jamais écrit, sans

aucun changement. Un jour qu’à Toulouse il “conférencie” sur Tolstoï, la fougue et la beauté de sa péroraison paralysent la plume des sténographes. Auriol lui demande de rétablir cette péroraison. Sans une hésitation, il la redit mot à mot. Même chose pour son célèbre Discours à la jeunesse de 1903. Après l’avoir prononcé sans une note, sollicité de l’écrire, il l’a fait d’un bout à l’autre, sans une variante13. »

En plus d’une mémoire hors du commun, qu’il aime à travailler sans cesse, Jaurès a été formé à bonne école. Il a bénéficié au lycée d’une discipline qui a cependant disparu de l’enseignement en 1885 — Jaurès ayant alors 26 ans —, il s’agit de la rhétorique. C’est pourquoi les discours de Jaurès sont si bien charpentés, que les moments s’enchaînent toujours avec une logique sans faille.

C’est Aristote, philosophe grec (384-322 av. J.-C.) qui le premier a instauré la rhétorique comme méthode de composition du discours, ce que développera plus tard Cicéron (106-43 av. J.-C.) dans la République romaine. Le jeune Jaurès a suivi des cours de rhétorique à Castres et à l’École Normale. Ce déjà passionné de la parole publique épouse littéralement cette discipline. Réapprendre d’une façon moderne de nos jours la rhétorique, dès l’école, comme l’a proposé en 1990 le pédagogue Olivier Reboul, ferait du bien à tout le monde, en particulier aux hommes et femmes engagés en politique. Nous aurions ainsi moins de bavardages, plus de discours sensés et correctement agencés.

En plus de la gestuelle, la rhétorique apprend la logique. Ce n’est pas un hasard si les discours de Jaurès ont des périodes retentissantes. On appelle « période » la phase du discours qui véhicule l’idée que l’orateur souhaite que son auditeur retienne absolument, grâce notamment au rythme sonore des mots. Le style périodique, c’est-à-dire formé de successions de périodes, est typique du style oratoire de Jaurès14. Ce n’est pas un hasard si même des ouvriers analphabètes aimaient à l’écouter, ensemble ils se comprenaient, tant la rhétorique facilite la compréhension de tout discours.

 

La verrerie ouvrière d’Albi

En plus de mineurs, des verriers travaillent à Carmaux, soufflant du verre pour en faire des bouteilles. Ils ont un travail pénible. « Sait-on assez, écrit Jaurès, que pour pouvoir suffire, sans y dépenser tout le sang de leurs veines, à l’énorme transpiration que provoque la fournaise, ils sont obligés de boire au moins vingt litres d’eau par jour ? Quand cette eau, tiède, et à Carmaux malsaine de surcroît, est passée dans leur estomac, ils n’ont plus ni appétit ni force ; et quand la femme du verrier, voyant que le mari ne mange plus, cherche une nourriture un peu délicate pour exciter l’appétit mort, les opportunistes et les bons bourgeois réactionnaires s’écrient : “Quels gourmands que ces verriers !” […] 15 »

Un conflit épouvantable s’envenime à Carmaux de 1892 à 1896. Le patron de la verrerie locale ne veut pas entendre les revendications des verriers, il leur rend la vie impossible. La grève est décrétée, puis tous les verriers sont licenciés en 1895. L’affaire s’envenime encore : « Les indics et les provocateurs s’affichent, les arrestations et les procès se multiplient. Jaurès lui-même est visé en pleine rue par des charges de gendarmes à cheval 16. » L’affaire des verriers de Carmaux fait le tour de France. L’idée vient alors aux verriers de Carmaux de construire eux-mêmes une nouvelle verrerie. Comme le patron de la mine de charbon s’engage à ne jamais leur vendre de charbon, ils décident de construire leur verrerie à Albi, où les loyers et le charbon sont moins chers. Jaurès et les verriers licenciés de Carmaux parcourent alors les routes de France, expliquant le projet d’une verrerie ouvrière à Albi. Les dons commencent à venir. Et voici qu’un beau matin, un groupe d’hommes part de Carmaux, pelles et pioches aux épaules. Ils parcourent les seize kilomètres qui séparent Carmaux d’Albi. Jaurès marche en tête d’un pas décidé.

Quelle forme aura la gestion de cette usine ? Une coopérative ou autre chose ? Le débat est partout chez les socialistes de France. Les guesdistes et blanquistes ne veulent pas de coopérative car ce serait faire pour eux le libre jeu du capitalisme. Les coopératifs, les mutuellistes, les syndicalistes des Bourses du travail, où l’on rencontre parfois un courant libertaire constructif, tous débattent de la verrerie qui se construit à Albi. En fin de compte, la verrerie d’Albi sera une usine, gérée par les ouvriers, dont les actionnaires seront les ouvriers et leurs organisations. Jaurès voit concrètement à Albi « l’ébauche de sa propre formulation de l’avenir socialiste, que plus tard il résumera ainsi : “Ce n’est point par la pesante monotonie d’une bureaucratie centrale que sera remplacé le privilège capitaliste. Mais la nation investie du droit social et souverain de propriété aura des organes sans nombre, communes, coopératives, syndicats, qui donneront à la propriété sociale le mouvement le plus souple et le plus libre, qui l’harmoniseront avec la mobilité et la variété infinie des forces individuelles” 17. » Ce qui fut nommé dans les années 1970-80 « le socialisme autogestionnaire » n’est-il pas apparu concrètement au XIXe à Albi, avec la création et la gestion de la première verrerie ouvrière ?

L’inauguration de cette verrerie a lieu le 25 octobre 1896. C’est pour les ouvriers et pour Jaurès « un de ces moments qui comptent dans une vie militante. Cortèges et guirlandes, bannières et drapeaux sont sur tout le parcours […] puis un banquet monstre de mille cinq cents couverts 18». Quand le premier four est allumé, Jaurès prend la parole à la demande de ses amis ouvriers, et revoici « notre grand Jaurès », barbe au vent, clamer au bord du Tarn :

« Le monde entier, avec ses usines qui sont des prisons, ses lieux de plaisir où l’on pleure de tristesse, ses églises d’où Jésus serait chassé s’il pouvait parler ! Sur cette rive à jamais illustre, vous avez élevé, citoyens, un temple que l’humanité considérera toujours comme le berceau de la liberté ! 19 »

Emporté par la liesse populaire, lors du banquet, Jaurès monte sur la table et entonne le chant de La Carmagnole, lequel est repris par la foule. Il faut s’arrêter sur ce détail. À notre connaissance, c’est la seule fois que Jaurès prononce des paroles où se mêlent des propos guerriers, violents, vengeurs. Ceci est d’autant plus étonnant que l’on ne remarque jamais ailleurs dans la bouche de Jaurès des propos insoutenables pour qui est partisan de la non-violence. Il chante donc La Carmagnole, où l’on relève comme propos : « Dansons la Carmagnole ; vive le son du canon — Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrat’s on les pendra — Que faut-il au républicain ? Du fer, du plomb et puis du pain. Du fer pour travailler. Du plomb pour se venger. » Jaurès semble n’avoir jamais exprimé de regret face à ces paroles qu’il a chantées. Les paroles de L’Internationale, qu’il aime à chanter, entre autres lors des congrès de l’Internationale socialiste, ne comportent pas de tels propos meurtriers, à la différence aussi de La Marseillaise. Malgré l’épisode de La Carmagnole chantée à Albi, il faut bien admettre que Jaurès tient en horreur tout élan de vengeance. Il l’a prouvé maintes fois ; notamment en prenant position contre la défenestration de l’ingénieur Watrin qui valut la mort à celui-ci, en 1886, à Decazeville. Les faits doivent être rapportés. Une grève sauvage, avec des faits de violence orchestrés par le patron et aussi par les ouvriers exaspérés par la misère et les vexations, a mal tourné. L’ingénieur Watrin, tout à la solde du patron, est jeté d’une fenêtre d’un étage. Jaurès s’insurge contre ce meurtre, parce que pour lui la défense des intérêts ouvriers ne doit en aucun cas justifier l’emploi de la violence.

 

Jaurès tient tribune en province

Dans quelle région Jaurès n’est-il pas allé parler, pour soutenir une grève ou un candidat socialiste à des élections, pour fêter un anniversaire républicain ou tout simplement lors d’une fête se terminant par un bal populaire ? Jaurès apprécie de se déplacer en train, et ne manque jamais d’aller visiter un musée ou un monument là où il est invité à s’exprimer. L’attrait pour la vie culturelle est constitutif de sa personnalité. Et même au plus fort des tempêtes, il aime à lire. Il dialogue avec le philosophe Alain, se plonge et replonge, comme l’écrit Max Gallo, dans « Rousseau, Tolstoï, Shakespeare, et les classiques auxquels il revient sans cesse, dans leur langue, Homère, Virgile 20 ». Les villes et les lieux où vient parler Jaurès, la forme des réunions et l’organisation des débats « témoignent de la progressive organisation du mouvement socialiste et de l’institutionnalisation des formes nouvelles du politique que sont le discours de congrès et la fête socialiste : le défilé dans la ville témoigne de la conquête de l’espace public par le mouvement ouvrier 21 ». Pour ne prendre qu’un exemple, allons par exemple à Elbeuf, aujourd’hui en Seine-Maritime (76). Elbeuf, quand Jaurès y vient en 1912, est une ville dont l’activité économique repose essentiellement sur la fabrication des tissus de laine cardée. La concentration industrielle entre les mains de quelques patrons a fait perdre des emplois parmi les tisserands à domicile. Des crises, le chômage et des grèves ponctuent la vie économique et sociale de cette ville normande. Jaurès vient à Elbeuf pour soutenir le candidat socialiste à une élection partielle. Dès 19 h 30, le cirque-théâtre est plein à craquer22. Quelques dames ont fait le déplacement, ce qui est encore rare à cette époque pour une réunion électorale. Les orateurs locaux et Jaurès arrivent à 20 h 30. L’endroit est plein à craquer, il est fait pour contenir 2 000 personnes, il y en a le double. Toutes les issues sont bouchées par la foule. La police rode, ainsi que des policiers en civil venus de Rouen, les fameux indics qui suivent partout Jaurès 23. Quand c’est au tour de Jaurès de parler, des énergumènes provocateurs l’interrompent. L’un d’eux parvient même à monter à la tribune. Jaurès ne se laisse pas démonter, et clame, malicieux, que « l’indifférence à l’égard de la classe

ouvrière est donc passée ! » Puis il fustige du regard l’impertinent qui redescend tout penaud.

Outre le soutien que le député du Tarn apporte aux chômeurs et au candidat socialiste, Jaurès profite de cette soirée pour exposer ses conceptions du socialisme mais aussi et surtout des rapports entre la France et l’Allemagne. « Il faut en finir, explique-t-il, avec ce régime de paix armée qui ruine le monde et empêche la réalisation des plus grandes œuvres sociales. » La soirée se conclut par le chant de L’Internationale.

 

Au Pré-Saint-Gervais, en 1913

La plus spectaculaire intervention de Jaurès, en tant qu’orateur, a eu lieu probablement au Pré-Saint-Gervais. Cette commune est actuellement en Seine-Saint-Denis (93), juste derrière le périphérique. Elle est bondée d’immeubles. Quand Jaurès y parle, le 25 mai 1913, il n’y a quasiment que des prés sur les collines. Le danger d’une guerre absurde avec l’Allemagne hante les esprits des socialistes, regroupés au sein de la SFIO. L’imposante salle Wagram est jugée trop petite pour y tenir une manifestation de masse. La réunion est donc programmée en plein air, sur l’une des collines du Pré-Saint-Gervais. C’est le printemps avec ses premiers feuillages, l’air est transparent. C’est là, à côté de Paris, que viennent à vélo, en métro puis à pied, près de 150 000 personnes. Des hommes portent des canotiers ou des bérets, des femmes des ombrelles. Du haut d’un monticule, un homme en melon pousse sa voix jusqu’à l’extrême de ses possibilités. Le micro n’existe pas encore. Cette voix traverse les airs dans un silence impressionnant. C’est Jaurès en train de haranguer la foule, s’insurgeant contre la loi des trois ans, dénonçant la politique militariste du gouvernement et le péril de guerre. Jaurès

est là, debout, mains tendues à l’avant, entouré de drapeaux rouges coiffés du bonnet phrygien. Vers ce petit homme convergent tous les regards. Il veut se faire entendre et comprendre de tous, debout ou assis dans la prairie. Il va chercher sa voix au fond de ses entrailles. Il en sortira aphone et défait, mais heureux de cette foule qui ne veut pas « se laisser conduire à l’abattoir 24 ».

 

Et la famille de cet orateur ?

« Révolutionnaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? (Jean Authier). » Jean Jaurès ne donne pas l’impression de les avoir souvent lavées lui-même. Son épouse s’en occupe probablement ! Mais Jaurès ne prête pas beaucoup d’attention à sa tenue vestimentaire. « Le vêtement est, sauf rares exceptions, négligé, écrit Jean Rabaud : le pardessus tirebouchon, les souliers antiques, la redingote ou le veston froissé. […] Son faux col est droit ; la cravate, de quatre sous, remonte facilement au-delà, vers le haut du cou 25. »

À table, Jaurès a un solide coup de fourchette. Il est plus gourmet que gourmand, mais il est fréquent de le voir attablé après ses discours, tant ceux-ci l’affament. « Il louangera un jour, par écrit, relève Jean Rabaud, “la fine, la solide et lente cuisine de jadis” et “les appétits vastes et éclairés” 26. » « Jaurès ne se confie pas, il s’extériorise. Lucien Bilange, qui a été son secrétaire, soulignera, au soir de sa vie, cette nuance ; et il l’expliquera par le fait qu’il a pu souffrir, jeune homme, des moqueries de ses condisciples parisiens, cruels à l’égard du provincial pataud qu’il était 27. »

Jean Jaurès, alors déjà député du Tarn, se marie en 1886, avec Louise Blois, une fille d’un solide marchand de fromages, républicain, propriétaire d’une belle propriété près d’Albi. Un mariage traditionnel, sans éclat. Ils ont deux enfants, Madeleine et Louis. Les parents sont ensemble attentifs à leur l’éducation et leurs études. La famille a surtout vécu à Paris, entre autres 11, villa de la Tour, à Passy.

« On y trouve un buffet […], des teintures éraillées, des pompons, la couronne de mariée de Mme Jaurès sous un globe. Pas de tableaux au mur. Pour bureau, une cellule monacale en haut d’un escalier raide ; une table de bois blanc, posée sur des allonges ; des livres empilés à terre, par la tranche, sans qu’il ait pris soin de les ranger ; un coffre plein de lettres dont beaucoup ne sont pas ouvertes 28. »

Jean Jaurès aime sa femme, et réciproquement. Louise Jaurès « aurait aimé voir son mari ministre ; et qu’il n’ait pas cherché à l’être passait son entendement 29 ». Mais dans le couple personne n’en voulait à personne. Jean Jaurès semble n’avoir jamais eu de maîtresse. Ses adversaires se seraient empressés de le faire savoir quand ils l’ont traîné dans la boue à la fin de sa vie. Il n’apprécie pas les plaisanteries grivoises de certains de ses compagnons de route. Il tient en horreur les hommes politiques qui ont des exploits extra-conjugaux. La dignité de la personne humaine et la fidélité sont premières pour lui.

 

« Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? »

Les sarcasmes que l’humble Jaurès a connus à la fin de sa vie ne doivent pas tomber dans l’oubli. Alors qu’il se démenait avec les socialistes, notamment allemands, pour empêcher la guerre que les marchands de canons voulaient partout en Europe, il fut calomnié comme nul autre, subissant même des appels au meurtre. Comment n’a-t-il pas pu alors se comparer en silence au capitaine Dreyfus, lui qui fut donné en pâture aux antisémites et aux nationalistes ?

Dès 1913, la presse radicale, bourgeoise, et aussi catholique ont fait chorus contre Jean Jaurès, avec des signes annonçant son assassinat par un extrémiste, exactement comme ce fut le cas, en 1995, pour un autre martyr de la paix : Yitzhak Rabin, à Tel-Aviv, lors d’un rassemblement « Pour la paix et contre l’incitation à la violence ». Face à la calomnie, Jaurès avait déjà répliqué tel un non-violent : « La calomnie est vaine comme une goutte de poison jetée dans un torrent 30. » De fait, Jaurès avait déjà exprimé sa philosophie face à la mort : « Il convient d’accepter un destin tragique pourvu qu’on ait donné “sa force d’un jour” à ce qu’on croit la justice 31. »

 

Et le coup de feu claqua

Jaurès dîne le 31 juillet 1914 au Café du Croissant. Un homme passe une main armée d’un revolver derrière le rideau d’une fenêtre et tire sur Jaurès. L’assassin, Raoul Villain, se laisse arrêter. Dans le café, un officier, en tenue de campagne, décroche sa légion d’honneur et la pose en pleurant sur la poitrine de Jaurès. Hommes et femmes s’agglutinent devant le café, puis une foule, révoltée et en pleurs, se met à courir derrière la voiture qui emporte le cadavre vers le domicile où Madame Jaurès continuait d’attendre son mari. Pour faire taire Jaurès, il n’y avait qu’un seul moyen : le tuer. « Ils » ne s’étaient pas trompés. La guerre « fraîche et joyeuse », la grande boucherie franco-allemande pouvait commencer.

 

 

1)Voir l’article « Le Collectif des déboulonneurs s’engage en non-violence », dans le n° 138 d’ANV.

2)Voir Jean-Marie Muller, Dictionnaire de la non-violence, Gordes, Éditions du Relié, 2005, pp. 280-281.

3)Voir Jean Rabaut, Jean Jaurès, préface de Michel Rocard, Paris, Librairie Perrin, 1981, p. 108. Ce livre est certainement l’une des meilleures biographies consacrées au député de Carmaux.

4) Cité par Jean Rabaut, op. cit., pp. 113-114.

5) Idem, p. 114.

6) Voir S.B. Oates, Martin Luther King, Paris, Le Centurion, 1985, p. 311.

7) Jean Rabaut, op. cit., p. 116.

8) Idem, p. 116.

9) Termes cités dans Jean Jaurès, l’époque et l’Histoire, Castres, Éd. Centre national et Musée Jean Jaurès de Castres, 1999, p. 194.

10) Cité par Henri Guillemin, Jean Jaurès, Bats, Éd. Utovie, 2006, p. 33.

11) « Contre la peine immonde » (1908), Le texte intégral se trouve dans Jaurès. Rallumer tous les soleils. Textes choisis et présentés par Jean-Pierre Rioux, Paris, Omnibus, 2006, p. 731 ss.

12) Voir Jaurès. Rallumer tous le soleils, op . cit., où Jean-Pierre Roux présente et commente des prises de position de Jaurès à ce sujet ; pp. 665-672.

13) Jean Rabaut, Jean Jaurès, op. cit., p. 108.

14) Sur le sujet, lire : Pierre Muller, Jaurès. Vocabulaire et rhétorique, Klicksieck, 2000 ; Alain Boscus, Jean Jaurès orateur, Albi, Éditions d’Art vivant, 2002 ; Olivier Reboul, La Rhétorique,

Puf, 1984.

15) Jean-Pierre Rioux, Jean Jaurès, Paris, Perrin, 2005, p. 90.

16) Idem, p. 91.

17) Idem, pp. 94-95.

18) Idem, p. 95.

19) Idem, p. 95.

20) Max Gallo, Le grand Jaurès, Paris, Laffont, 1984, p. 555.

21) Remarque de Catherine Bertho-Lavenir, dans Sur les pas de Jaurès. La France de 1900, Toulouse, Privat, 2004, p. 71.

22) Ce qui suit est directement inspiré de l’étude de Pierre Largesse, parue dans Sur les pas de Jaurès. La France de 1900, op. cit., pp. 50-55.

23) Jaurès est désormais suivi, épié, espionné… Les archives du ministère de l’Intérieur ont révélé que des « agents secrets » traquaient en permanence Jaurès. Voir l’article « Jaurès et les indics » paru dans L’Express, le 18 avril 2005.

24) Max Gallo, op. cit., p. 540.

25) Jean Rabaut, Jean Jaurès, op. cit., p. 107.

26) Jean Rabaut, Jean Jaurès, op. cit., p. 110.

27) Jean Rabaut, Jean Jaurès, op. cit., p. 111.

28) Jean Rabaut, Jean Jaurès, op. cit., p. 109.

29) Jean Rabaut, Jean Jaurès, op. cit., p. 112.

30) L’Humanité, 27 juillet 1911, cité par Jean Rabaut, 1914, Jaurès assassiné, Paris, Éditions Complexe, 2005, p. 43.

31) Jean Rabaut, 1914, Jaurès assassiné, op. cit., p. 43.

 

 

Citations non exhaustives d’un assassinat annoncé

 

Dans le journal Le Temps : « Voilà dix ans que Jaurès est en toute affaire contre l’intérêt national, l’avocat de l’étranger1.»

Sous la plume de Charles Péguy : « Nous sommes très capables de supprimer en temps utile quelques mauvais bergers2.»

 

 - « Il ne faut pas se dissimuler que la politique de la Convention nationale, c’est Jaurès dans une charrette et un roulement de tambour pour couvrir cette grande voix 3. »

 

- « Dès la déclaration de guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès. Nous ne laisserons pas derrière nous ces traîtres pour nous poignarder dans le dos 4. »

 

Dans L’Écho de Paris du 13 mars 1913, sous la plume de Franc-Nohain : « La France parle ; M. Jaurès, taisez-vous ! Et comme cet avis a son importance, et pour être sûr de me faire comprendre, je traduis à leur intention et à la vôtre : Frankreich spricht, still, Herr Jaurès ! 5 »

 

De Charles Maurras dans L’Action française du 21 mai 1913 : « Il faut citer Jaurès non seulement comme un agitateur parlementaire funeste, mais comme l’intermédiaire entre la corruption allemande et les corrompus de l’antimilitarisme français. […] Il serait bon de ne pas perdre de vue ce traître 6. »

 

Maurice de Waleffe, dans L’Écho de Paris du 17 juillet 1914 : « Dites-moi, à la veille d’une guerre, le général qui commanderait à quatre hommes et un caporal de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui mettre à bout portant le plomb qui lui manque dans la cervelle, pensez-vous que ce général n’aurait pas fait son plus élémentaire devoir ? Si, et je l’y aiderais 7. »

Daudet dans L’Action Française : « Nous ne voudrions déterminer personne à l’assassinat politique, […] mais que Jaurès soit pris de tremblement. Son article est capable de suggérer à quelque énergumène le désir de résoudre par la méthode expérimentale la question 8. »

Le 25 juillet 1914, Madame Poincaré dit à des amis : « Ce qu’il faudrait, c’est une bonne guerre et la suppression de Jaurès 9. »

Le 27 juillet, alors que des dizaines de milliers de Parisiens défilent sans prévenir de l’Opéra à la place de la République aux cris de « À bas la guerre. Vive la paix », la police est dépassée et charge les manifestants ; le Journal des débats (de droite) attaque Jaurès le lendemain :

« Monsieur Jaurès n’a pas risqué le moindre mot de blâme à l’adresse des bandes antimilitaristes 10. »

 

1) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 542.

2) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 542.

3) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 542.

4) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 15.

5) Cité par Jean Rabaut, 1914, Jaurès assassiné, Éditions Complexe, 2005, p. 40.

6) Idem, p. 40.

7) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 566.

8) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 566.

9) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 583.

10) Cité par Max Gallo, op. cit., p. 571.


Article écrit par François Vaillant.

Article paru dans le numéro 140 d’Alternatives non-violentes.