La stratégie de l’Union européenne à l’égard de l’Afrique

Auteur

Virginie Gjarmana

Année de publication

2009

Cet article est paru dans
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La coopération entre l'Union Européenne et l'Afrique passe par la mobilisation de leurs sociétés civiles respectives. Un plan d'action a été mis en place, portant sur plusieurs domaines de travail dont celui de la paix et de la sécurité. Pour ce faire, les acteurs de la société civile européenne ont désigné des représentants ayant pour mission le suivi des partenariats. De leur côté, les acteurs de la société civile africaine se sont également organisés pour permettre aux ONG et autres réseaux concernés d'y participer.

L’Union européenne a de plus en plus conscience qu’elle doit œuvrer avec les sociétés civiles africaines, notamment pour les questions de paix et de développement durable.


Le dernier sommet réunissant les chefs d’État et de gouvernements africains et européens a eu lieu le 9 décembre 2007, à Lisbonne. C’est à cette occasion qu’à été approuvée et adoptée la toute première stratégie conjointe Union européenne-Afrique. Annoncée comme un vrai « partenariat des égaux » cette stratégie pose un cadre formel sur les relations Union européenne-Afrique, en identifiant huit domaines de coopération sur lesquels les deux continents souhaitent travailler ensemble et identifier des priorités communes. Les questions de paix et sécurité forment l’un de ces partenariats.

L’un des points intéressants de la stratégie est la place qu’elle accorde à la société civile : le texte officiel stipule en effet que la stratégie doit prendre en compte la voix d’une « société civile vibrante et indépendante ». Au départ réticente et sceptique quant à la validité de ce nouveau cadre de relation UE-Afrique, la société civile européenne s’est peu à peu organisée pour mieux comprendre et suivre les évolutions de la mise en œuvre. Les grands secteurs européens représentant les ONG de défense de l’environnement, de construction de la paix, de défense des droits humains et de coopération au développement, les syndicats et les fondations européennes se sont rassemblés sous la forme d’un réseau souple de la société civile puis ont identifié les représen- tants les mieux à même et les plus expérimentés pour suivre chacun des partenariats. EPLO, (le European Peacebuilding Liaison Office) et l’une de ses organisations membres, Saferworld, ont pris en charge le suivi des questions paix et sécurité.

Au niveau africain, le Conseil économique et social (Ecosoc), l’une des institutions de la Commission africaine, s’est chargé de structurer la participation de la société civile, en invitant les ONG et réseaux africains intéressés à se manifester, à obtenir le statut Ecosoc 1 et à être élus comme « représentants officiels » de la société civile pour le suivi de la stratégie. Jusqu’à présent, les relations entre les sociétés civiles européenne et africaine ont été assez limitées, notamment du fait d’un manque de reconnaissance mutuel : les Européens acceptent mal l’idée d’une société civile « institutionnalisée », les Africains n’accordent que peu de crédit à des réseaux qu’ils considèrent « non structurés ». La reconnaissance, l’entente et la coopération entre représentants des sociétés civiles africaine et européenne semble donc d’ores et déjà un des éléments importants de la participation de la société civile à la mise en œuvre de la stratégie.

Déclinées plus précisément dans un plan d’action de trois ans, les questions « paix et sécurité » couvrent le dialogue politique (et notamment le partage d’informations concernant l’analyse de conflits, le dialogue sur les armes légères et de petits calibres, le renforcement des capacités d’alerte précoce pour les crises afri- caines), le renforcement de l’architecture de paix et de sécurité du continent africain (par l’identification des besoins en matière de formations des capacités de maintien de la paix et mise en œuvre de programmes adaptés à ces besoins et financés par l’Union européenne) et la recherche de financement à long terme pour développer les missions de maintien de la paix en Afrique.

Ce partenariat est l’un des plus avancés de la stratégie UE-Afrique, notamment en ce qui concerne l’implication de la société civile : ayant manifesté leur intérêt et affirmé leur expertise, EPLO/Saferworld ont été invités à assister aux réunions du groupe de travail européen, puis aux réunions conjointes euro-africaines. De nombreuses initiatives sont en cours sous le chapeau « paix et sécurité de la stratégie conjointe », une grande partie d’entre elles déjà en discussion avant même la signature de la stratégie. Hormis lorsqu’il s’agit des activités mises en œuvre sous le dialogue politique — notamment les discussions autour d’une potentielle stratégie africaine pour régler les questions d’armes légères et de petits calibres, ou les débats et le développement actuel d’un cadre formel africain pour la réforme des systèmes de sécurité — l’accent reste pour l’instant beaucoup mis sur le renforcement des capacités militaires de l’Union africaine, au détriment d’une vision à plus long terme de prévention des conflits.

Un point reste incontestable toutefois : la stratégie UE-Afrique est pour l’instant le cadre de référence des relations entre Européens et Africains. Loin d’être complète, sujette à de nombreuses polémiques au sein des ONG comme au niveau des États membres, il n’en reste pas moins que la plus grande partie des fonds européens transitant vers le continent africain le font suivant les priorités adoptées dans ce document. Assurer que ces fonds soutiennent la prévention des conflits et renforcent les actions de la société civile africaine sont les défis auxquels sont et seront confrontées les organisations de prévention de la paix en Europe et en Afrique.


1) L’obtention du statut Ecosoc est régie par des critères assez restrictifs et notamment la nécessité, pour l’organisation qui pose une demande de statut, d’être reconnue par son gouvernement national. Ce qui peut parfois questionner assez nettement l’indépendance et l’autonomie des organisations « officiellement » reconnues (au Zimbabwe ou en Éthiopie par exemple), potentiellement membres d’Ecosoc et tout aussi potentiellement actives dans la mise en œuvre de la stratégie.

Virginie GIARMANA : Après avoir travaillé de nombreuses années pour Amnesty International à Paris, Luxembourg puis Londres, l’auteure est à Bruxelles depuis 2007 où elle est coordinatrice du Plaidoyer européen pour l’organisation Saferworld.


Article écrit par Virginie Gjarmana.

Article paru dans le numéro 152 d’Alternatives non-violentes.