La 21e Conférence des parties de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques – la COP21 –, prévue du 30 novembre au 11 décembre 2015 au Bourget, sera "l'une des plus grandes conférences sur le climat jamais organisée", soulignent les organisateurs. Placée sous le signe de l’exemplarité environnementale, cette conférence se donne pour objectif de lutter contre le dérèglement climatique. L’enjeu clé est le financement des politiques climatiques. L’objectif majeur est de réduire l’émission de gaz à effets de serre qui est le principal facteur du réchauffement climatique.
Malheureusement, tout laisse penser que la principale menace qui pèse sur l’environnement, celle des armes nucléaires, ne sera pas prise en compte. Toute utilisation des armes nucléaires aurait des conséquences absolument dramatiques : elle dévasterait des territoires entiers et provoquerait des atteintes définitives à l’environnement.
L’explosion d‘armes nucléaires ne produirait pas un réchauffement mais un refroidissement de la température terrestre. Les poussières des champignons atomiques et les fumées des incendies, en absorbant la lumière du soleil, réduiraient la quantité de rayonnement solaire atteignant la surface de la terre, entraînant un assombrissement et un refroidissement.
Albert Jacquard rapporte qu’en octobre 1983, un colloque a réuni à Washington des scientifiques américains et soviétiques qui ont étudié les effets d’un conflit nucléaire sur le climat de la planète : « L’un des résultats les plus décisifs est que ces effets seraient dramatiques, même dans le cas d’un échange limité de l’ordre de cent mégatonnes. (…) Les quantités de poussières, de fumées, de suies dans l’atmosphère formeraient un nuage opaque qui se répandrait en quelques semaines. La température descendrait à -20eC et ne remonterait au-dessus de zéro qu’après de longs mois. Faute d’éclairement par le soleil, la photosynthèse des plantes serait interrompue, détruisant tout l’écosystème. La description des conséquences de cet « hiver nucléaire » ne permet pas d’imaginer que l’humanité survivrait. La seule question est : combien de fois chaque homme serait-il tué par la faim, le froid, le feu, les radiations, etc. ?[1] »
C’est pourquoi le désarmement nucléaire devrait être une priorité pour la communauté internationale dans sa lutte contre les dégradations de l’environnement.
Le 6 août 2015, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a publié un communiqué dans lequel il est précisé : « Soixante-dix ans après les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, les hôpitaux de la Société de la Croix-Rouge du Japon traitent encore des milliers de rescapés qui souffrent des effets résiduels des rayonnements, et près de deux tiers d'entre eux meurent du cancer. » Le président du CICR, Peter Maurer, a déclaré : « Même après tant de décennies, l'impact sanitaire catastrophique de l'utilisation des armes nucléaires sur ces deux villes est omniprésent. N'est-ce pas un argument convaincant pour éliminer une fois pour toutes les armes nucléaires ? »
La Charte de la Terre
La Charte de la Terre est une déclaration internationale qui entend affirmer les valeurs et les principes fondamentaux pour construire un monde juste, durable et pacifique au XXIe siècle. Le texte final a été approuvé dans les locaux de l’UNESCO à Paris en mars 2000. La charte définit une éthique de la vision de la Terre qui soutient que la protection de l'environnement, les droits de l'homme, un développement humain équitable, et la paix sont interdépendants et indivisibles. La Charte vise à fournir un nouveau cadre de pensée pour comprendre et faire face à ces grandes problématiques.
Parmi ses insistances, cette Charte souhaite promouvoir une culture de tolérance, de non-violence et de paix. À cette fin, elle énonce ces recommandations :
« Démilitariser les systèmes de sécurité nationale, les amener à une position défensive non provocatrice et convertir les ressources militaires à des projets pacifiques, notamment à la restauration écologique.
Éliminer les armes nucléaires, biologiques et toxiques, ainsi que toutes autres armes de destruction massive.
S’assurer que les espaces orbitaux et extra-atmosphériques sont utilisés dans le respect de la paix et de la protection de l’environnement.
Reconnaître que la paix est l’entité créée à partir de relations respectueuses envers soi-même, avec les autres, avec d’autres cultures et d’autres formes de vie, avec la Terre et l’ensemble de l’univers dont nous faisons tous partie. »
Présentant son livre Guerre et Paix… et écologie, les risques de la militarisation durable (Éd. Yves Michel), le polémologue Ben Cramer écrit :
« Le politiquement correct consiste à dissocier la dégradation environnementale et la militarisation du monde. Et pourtant ? Contrer la démesure, dans la répartition internationale de la menace de mort du complexe militaro-industriel, un complexe qui détourne nos ressources vitales, accapare nos territoires et militarise nos esprits. Intégrer le mot d’ordre de « Halte à la Croissance » dans le domaine de l’armement, à une époque où les écosystèmes sont victimes de reconfigurations stratégiques sur fond de dérèglement et manipulation climatiques. Concevoir la sécurité écologique en neutralisant la nocivité des préparatifs de guerre en temps de paix. »
Ben Cramer affirme encore : « La militarisation, ennemi public No 1 de la démocratie, est aussi l’ennemi de la sauvegarde de la qualité de la vie et - venons-en à l’essentiel ! - de la vie tout court. Tant que les neuf puissances dotées d’armes nucléaires sont capables de débloquer en 24 heures, juste pour maintenir en état et moderniser leurs arsenaux, l’équivalent de ce que le PNUE [Programme des Nations Unies Pour l’Environnement : le PNUE est la plus haute autorité environnementale au sein des Nations Unies] dépense en un an, les financements pour éviter la fonte des banquises seront toujours difficiles à trouver. »
Dans le langage même des Nations Unies, il existe toute une rhétorique affirmant que « l’emploi des armes nucléaires constitue la menace la plus grave pour l’humanité et la survie de la civilisation » (résolution de l’Assemblée générale du 5 décembre 2007). Pour autant, les pays dotés de l’arme nucléaire – dont la France – auxquels le TNP fait l’obligation de négocier de bonne foi un désarmement nucléaire complet dépensent chaque année des milliards de dollars pour maintenir et perfectionner leur arsenal nucléaire avec la plus parfaite mauvaise foi en affirmant que celui-ci garantit leur sécurité. Et ne nous méprenons pas, la doctrine de la dissuasion nucléaire n’est pas une doctrine de non-emploi. Les chefs des États dotés – dont le Président de la république française - prétendent clairement que dans une situation de crise extrême où ils estimeraient que leurs « intérêts vitaux » seraient menacés, ils n’hésiteraient pas à employer l’arme nucléaire.
Dans ces conditions, le désarmement mondial est impensable dans un avenir prévisible. C’est donc aux citoyens de chaque pays doté d’exercer leur pouvoir souverain en prenant clairement position pour le désarmement nucléaire de leur pays.
Les Français sont directement concernés.
[1] Albert Jacquard, Tentatives de lucidité, Stock, 2004.