L'action non-violente, une stratégie entre force et éthique

Auteur

Johann Naessens

Année de publication

2019

Cet article est paru dans
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Commençons par déconstruire une idée reçue sur la non-violence encore trop largement répandue. Elle renverrait à une forme de passivité voire à un pacifisme béat et manquerait de pragmatisme. Ce faisant, elle irait même parfois jusqu’à faire le jeu des oppresseurs et nuirait ainsi aux intérêts des populations. Disons-le sans détour, la non-violence n’a rien à voir avec de la passivité. Lorsqu’on agit de manière non-violente, on adhère certes aux principes non-violents, mais on choisit aussi une stratégie d’action, l’objectif étant de défendre quelque chose ou de dénoncer une situation pour tenter de la transformer positivement. Associer la non-violence à de la passivité ou à une forme de lutte « gentillette » est par conséquent un non-sens.

Opter pour une stratégie non-violente, un choix éthique et pragmatique

Il est souvent admis que face à une situation d’oppression, nous n’aurions que deux possibilités : se soumettre ou lutter et prendre les armes. La non-violence est cependant l’expression d’une troisième voie bien réelle qui ne saurait être assimilée à l’une ou l’autre de ces options. Même si en réalité, elle représente davantage une alternative à la révolte violente. En effet, si elles ont souvent des fins proches, la non-violence impose d’user de moyens « éthiques » et ce, pour deux raisons essentiellement. D’abord, parce qu’elle aspire à une autre société, plus désirable sur le plan démocratique et humain. De ce point de vue, elle ne peut donc envisager une transformation en profondeur de la société par des moyens de coercition ou de domination. La non-violence reposant sur l’idée que la fin se trouve déjà dans les moyens. Ensuite, le choix de l’action non-violente relève aussi d’une stratégie. Celles et ceux qui adoptent ce mode d’action le font aussi parce qu’ils sont convaincus de son efficacité et de sa capacité à faire bouger les lignes. En 2014, la campagne menée par les Amis de la Terre, Attac et l’association Bizi, contre le projet climaticide Alpha Coal soutenu par la Société Générale, en est un parfait exemple. Pendant des mois, des militants ont multiplié les actions non-violentes spectaculaires, appelé au boycott de la banque, organisé des conférences-occupation dans les bureaux. Au bout de six mois de mobilisation, la direction nationale de la Société Générale annonçait finalement son retrait du projet. Une belle victoire pour l’écologie mais aussi pour tous les tenants d’une stratégie non-violente. Une victoire qui illustre tout le potentiel de l’action non-violente et ce qui en constitue l’essence : entraide, force du groupe, convivialité, respect des interlocuteurs, transparence, détermination, ténacité, pragmatisme et enfin espoir. Car c’est peut-être là la plus grande force de l’action non-violente, générer une énergie positive et porter la lutte sur le terrain de l’espoir.

Johann Naessens, coordinateur de Non-violence XXI.

Références bibliographiques :

Revue « Pourquoi la non-violence est-elle révolutionnaire ? » éditée par Non-Violence XXI et le groupe parlementaire européen Les Verts / ALE, 2019.

Pour une non-violence éthique et politique, éditions du MAN, 2014.

Beti Bizi ! Climat d’urgence, livre publié en 2019 à l’occasion des 10 ans de Bizi, association basque à l’origine des mouvements Alternatiba et ANV-COP21.

http://nonviolence21.org/


Article écrit par Johann Naessens.

Article paru dans le numéro 192 d’Alternatives non-violentes.