CULTURE DE NON-VIOLENCE - Portrait : Angie Zelter, enfreindre la loi pour la justice

Auteur

Marc Morgan

Année de publication

2022

Cet article est paru dans
203.jpg

Angie Zelter, militante britannique anti-guerre et anti-nucléaire est née en 1951. Elle est venue au militantisme, et a pris conscience des structures qui alimentent la violence, l’exploitation et la spoliation tant de l’humanité elle-même que de la planète, lors d’un séjour de trois ans au Cameroun.

Angie Zelter, militante britannique anti-guerre et anti-nucléaire est née en 1951. Elle est venue au militantisme, et a pris conscience des structures qui alimentent la violence, l’exploitation et la spoliation tant de l’humanité elle-même que de la planète, lors d’un séjour de trois ans au Cameroun. Elle rentre alors convaincue que c’est chez soi qu’il faut agir contre les forces d’oppression planétaires. Bien que résolument citoyenne du monde, profondément consciente de la nature transnationale de la violence structurelle, c’est principalement contre le rôle que joue la Grande-Bretagne dans le maintien de structures oppressives qu’Angie fait campagne.


Dans les années 1980, Angie fonde la campagne de désobéissance civile Snowball contre les armes nucléaires et participe au camp de paix des femmes à Greenham Common. Elle milite toute sa vie contre la déforestation, le changement climatique, le commerce des armes. En 1996, avec trois autres militantes, elle est arrêtée pour avoir causé des dommages rendant inutilisable un avion de chasse Hawk que la Grande-Bretagne avait vendu à l’Indonésie et qui devait servir dans la guerre génocidaire contre le Timor Oriental. Les prévenues défendent leurs actions en faisant appel à la fois à la morale et au droit international contre le génocide, et sont acquittées - un jugement historique.

En 1998, Angie cofonde le mouvement Trident Ploughshares (TP) qui mène des actions directes non-violentes contre les armes nucléaires britanniques. L’action la plus spectaculaire coordonnée par TP : le blocus de la base nucléaire de Faslane pendant une année entière en 2005-2006. Angie participe également à de nombreuses actions à l’étranger : Sarawak, Corée du Sud, Israël/Palestine (où elle est désormais interdite de séjour). Les détails de sa vie remarquable, et d’un engagement militant reconnu par l’attribution du prix Hrant Dink en 2014, se trouvent dans son livre Activism for Life (disponible, en anglais seulement, pour 15 € port compris ; écrire à marcwmorgan@btinternet.com).


Selon Angie, les principaux critères stratégiques pour qu’une campagne non-violente atteigne ses objectifs sont les suivants :

  • Avoir des objectifs ciblés, tout en étant ancrée dans une compréhension de la façon dont de multiples injustices sont interconnectées.
  • Être basée sur une position morale inébranlable et clairement affichée.
  • S’appuyer autant que possible sur le Droit international humanitaire (DIH) : les juges qui ont appliqué les lois nationales sous les nazis ont été reconnus coupables à Nuremberg, en vertu du droit international.

Pour elle, il est important que les acteurs d’une campagne assument publiquement la responsabilité de leurs actes : ils doivent indiquer pourquoi ils agissent et parfois enfreignent la loi. Ils doivent être ouverts à ce que leurs arguments soient contestés. L’engagement pour la non-violence doit être absolu, non pas parce que le recours à la violence ne mérite aucune sympathie – souvent il est tout à fait compréhensible – mais parce qu’en fin de compte la violence ne génère que des problèmes plus importants, même lorsqu’elle semble résoudre des problèmes immédiats.


Son livre donne par ailleurs de nombreuses recommandations, basées sur son expérience, concernant les tactiques de l’action non-violente. Angie a été arrêtée plus de 200 fois, ce qui l’a souvent conduite en prison. Enfreindre la loi n’est jamais une fin en soi, nous dit-elle, c’est simplement l’expression d’un besoin de s’opposer à l’injustice, y compris l’injustice qu’incarnent les lois nationales au service des intérêts des puissants et de l’État.


Angie a travaillé avec des militant·e·s des deux sexes, de tout âge et de toute nationalité. Pour elle, les femmes, qui sont souvent les victimes innocentes de la violence, peuvent mieux appréhender ses causes profondes et plus facilement pratiquer la désobéissance non-violente active. Le calme, la détermination et la bonne humeur d’Angie inspirent l’espoir, mais ne sont pas le fruit d’un optimisme béat. Elle pense que l’humanité est au bord du gouffre et qu’un changement urgent et radical est nécessaire pour survivre. Pour nous, humains, la onzième heure a sonné. Remplie à la fois de réalisme et d’idéalisme, sa capacité à imaginer un monde meilleur et à agir, nous inspire sur la voie de sa mise en oeuvre. •


Article écrit par Marc Morgan.

Article paru dans le numéro 203 d’Alternatives non-violentes.