Manifeste pour la non-violence de Pauline Boyer et Johann Naessens

Auteur

Georges Gagnaire

Année de publication

2022

Cet article est paru dans
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Les éditions Charles Léopold Mayer créées par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH) publient début mai 2022 le Manifeste pour la non-violence.
Rapide survol… avec l’aide de Pauline.

Plutôt qu’un écrit à quatre mains, ce manifeste mêle, tisse et métisse les voix de Pauline et de Johann, leurs expériences, leurs analyses, leurs engagements, leurs cultures de la non-violence. Cet écrit propose des allers et retours permanents entre des exemples pertinents de luttes actuelles et passées, connues ou méconnues, qui rendent compte du pragmatisme nécessaire à l’action, mais aussi une réflexion éthique et politique. Il s’adresse directement à celles et ceux qui sont déjà engagé.es dans des luttes, à celles et ceux qui se demandent comment agir face à l’injustice de nos sociétés, face au déni démocratique, face à l’urgence climatique. Le « nous »
des auteur·e·s du début du manifeste devient peu à peu pour la personne qui le lit un « nous » d’inclusion à une lutte essentielle et radicale. Pauline précise : « C’est un parti pris délibéré : l’apport de Johann est centré sur les
mouvements non-violents classiques, les sources historiques de la non-violence. J’essaie d’apporter un regard sur les luttes non-violentes actuelles. Je pense qu’aujourd’hui c’est important de savoir d’où viennent les luttes, sur
tous les continents. »


L’ensemble des questions et le ton général du Manifeste est donné dès ses premières lignes : Hubertine Auclert, en 1908, renverse une urne… Un simple geste mais déjà trois images brisées : le héros est une héroïne, l’acte peut être considéré comme violent, et en ces temps de remise en cause de la démocratie représentative c’est son symbole même qui est mis à mal… Les auteur·e·s du Manifeste s’inscrivent à la fois dans une stratégie politique radicale et dans une pédagogie de l’engagement personnel, de la transformation de soi par la lutte.

« Pour moi, précise Pauline, c’est ce que j’ai vraiment expérimenté. Je me suis plongée dans la lutte non-violente, c’est ce qui m’a transformée personnellement. J’ai l’impression que c’est indissociable, c’est une des forces des
stratégies non-violentes. La manière dont nous menons une lutte permet de transformer les personnes et, par conséquent, les mentalités. Faire et expérimenter marque les esprits, les corps et crée de nouvelles habitudes, de nouveaux modes de vie tout en faisant avancer la lutte et bouger les rapports de force. »


Cette analyse rejoint la question de la cohérence entre la fin et les moyens réfléchie depuis longtemps par les mouvements non-violents. Les auteur·e·s du Manifeste inscrivent leurs actions dans un présent, seul espace d’action à notre portée, à la fois dépendant d’une analyse politique et stratégique fine du passé, de l’existant et porteur de l’avenir recherché. Il y a une tension nécessaire entre l’agir et le réfléchir, entre le comment et le pourquoi. Car il  ne suffit pas de s’agiter, même de manière non-violente, il s’agit d’aller, pas à pas, vers une transformation sociale radicale établissant la justice sociale. Pour Pauline, il s’agit « de mener une lutte pour les droits humains, une lutte féministe, antiraciste, permettant le respect inconditionnel des êtres vivants ».

L’inscription de cette lutte dans la non-violence ne va pas de soi, elle se réfléchit pour sa pertinence et son efficacité. Le Manifeste évoque même un « logiciel radicalo-pragmatique » qui implique une méticuleuse préparation des actions et des acteur.es, une recherche de réussites partielles, progressives, appelées à faire boule de neige et à rassembler de plus en  plus de personnes.

L’activisme non-violent apparaît alors comme un moyen à deux fins : une lutte politique stratégique et une pédagogie auto-formatrice de l’engagement dans la non-violence. Ogarit Younan, sociologue  libanaise, pionnière de l’éducation non-violente au Liban, cofondatrice et de la première université pour la non-violence, citée dans le Manifeste, résume à merveille le propos : « On touche au coeur des choses, le coeur de l’être humain et le coeur des problèmes. »

Sans cacher qu’une lutte, même non-violente ne protège ni de la répression ni de la violence, le Manifeste se clôt par un appel à la joie et à l’optimisme. Retrouvons Pauline sur ce chemin : «  La lutte n’est pas facile tous les jours, mais est-ce que la vie est facile tous les jours ? Avoir une vie difficile parce qu’on lutte, c’est une manière de choisir sa vie ! Vivre des moments difficiles n’exclut pas la joie et la satisfaction d’avoir mené des actions collectives, d’avoir fait avancer la protection du vivant, des droits humains. Et même si en ce moment, on n’est pas en train de renverser complétement le système, regardons toutes les  accélérations, toutes les prises de conscience au cours de ces dernières années par rapport à l’état global de la planète. Quelque chose se passe et même si ça ne se traduit pas immédiatement au niveau politique, il y a de  plus en plus de personnes prêtes à passer à l’action. Pour ne pas se démotiver, elles ont besoin de savoir comment être efficaces. La non-violence donne quelques pistes de réponses. C’est ce que nous essayons de faire avec ce Manifeste. » •


Article écrit par Georges Gagnaire.

Article paru dans le numéro 203 d’Alternatives non-violentes.