Suite aux récentes violences policières, le Premier ministre Jean Castex indique qu’il n’est pas « défavorable » à ce qu’une personnalité indépendante prenne la tête de l’IGPN (AFP 2 décembre). Mais cela ne résoudrait pas le problème. Il faut supprimer l’IGPN.

(Via notre partenaire, Le MAN, mouvement pour une alternative non-violente)

 

L’IGPN (Inspection générale de la police nationale) a deux missions :

  • une mission d’inspection interne, normale dans toute administration, consistant à régler les manquements aux règles de déontologie des policiers (non-respect des horaires de travail, état d’ivresse, injure à un collègue, etc.) ;
  • une mission d’enquêtes judiciaires intervenant quand une violence policière fait l’objet d’un signalement entraînant une enquête. Le fait que celle-ci soit confiée à des policiers qui enquêtent sur des policiers, sous le contrôle d’autres policiers, pipe les dés : les policiers de l’IGPN sont juges et parties ! Il n’est donc pas étonnant que les violences policières se traduisent trop souvent par des non-lieux !

L’actuelle directrice de l’IGPN est une policière, nommée et révocable à tout moment par le ministre de l’Intérieur. Le recrutement des agents de l’IGPN dépend du directeur général de la police nationale et leurs carrières dépendent du ministère de l’Intérieur. Le rapport annuel présenté par le directeur de l’IGPN est relu par le ministère de l’Intérieur. L’indépendance du contrôle de la police est donc une farce que la Ligue des droits de l’homme, Amnesty international et le MAN dénoncent depuis des années.

Toute réforme de l’IGPN à la marge est vouée à l’échec.

Dans de nombreux pays européens, Grande-Bretagne, Belgique, Danemark, etc., le contrôle de la police se fait sans aucun lien avec le pouvoir politique.

Aussi, le MAN (Mouvement pour une Alternative Non-Violente) demande avec insistance au gouvernement la création d’une nouvelle instance de contrôle de la police, réellement indépendante, qui honorerait les prérogatives du Code européen d’éthique de la police, publié le 19 septembre 2001 par le Conseil de l’Europe et approuvé par la France, lequel recommande : « La police doit être responsable devant l’État, les citoyens et leurs représentants. Elle doit faire l’objet d’un contrôle externe efficace ». C’est une exigence démocratique et la condition pour que les Français retrouvent peu à peu confiance dans leur police et dans son contrôle.

François Vaillant


Remarques :

De nombreux pays européens se sont déjà dotés d’un organe de contrôle de leur police, indépendant, légitime et impartial. Par exemple :

Au Royaume-Uni, l’Independent Office for Police Conduct est cité en exemple pour sa transparence et sa garantie d’indépendance. Il est dirigé par une personnalité qui n’a jamais exercé en tant que policier et ses membres ne peuvent pas non plus avoir été policiers. Régulièrement l’IOPC (l’IGPN anglais) publie un magazine destiné aux services de police appelé « Apprentissages et leçons ». Chaque numéro aborde un thème précis : les interpellations, la gestion des manifestations, la protection des publics vulnérables, etc. À partir de situations réelles, il détaille ce qui s’est mal passé et en tire les leçons pour éviter que pareilles déconvenues ne se reproduisent.
(Source : Libération du 17 août 2019)

Au Danemark, il existe une autorité indépendante des plaintes contre la police qui enquête sur les infractions criminelles commises par les policiers. Elle est dirigée par un juge de la Haute Cour qui travaille avec un procureur, un professeur de droit et deux représentants de la société civile. Ses membres sont nommés par le ministre de la Justice et renouvelés obligatoirement tous les 4 ans.
(Source : Stéphane Lemercier, capitaine de police, charge de cours à l’université de Montpellier, 17 juin 2020)

En Norvège, le Norwegian Bureau for the Investigation of Police Affairs est composé d’anciens policiers et avocats qui enquêtent sur les membres des forces de l’ordre soupçonnés d’avoir commis des infractions pénales ou déontologiques.
(Idem)

En Belgique : le Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P) a un double mandat. Il examine d’une part si les droits garantis par la Constitution sont respectés dans le cadre de l’activité policière et, d’autre part, il est chargé du contrôle du fonctionnement global des services de police et de l’exercice de la fonction de police. Le Comité P exerce sa mission via différents canaux, notamment au travers de l’examen de plaintes de citoyens ou encore la réalisation d’enquêtes et de rapports. Le Comité P est dirigé par un magistrat et ses membres sont nommés par la Chambre des représentants.
(Source : La Ligue des droits de l’homme de Belgique, dans son document Contrôler et punir, p.20)

En Espagne, en Irlande, en Grèce, en Serbie et en Slovaquie, par exemple, une institution indépendante reçoit les signalements de comportements inadaptés concernant les policiers pour ensuite, en cas de faute estimée commise, les transmettre à la justice.