Auteur

Géraldine Hédouin

Localisation

Afghanistan

Année de publication

2014

Cet article est paru dans
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Personne n’échappe au phénomène publicitaire : boîtes aux lettres envahies, intrusions téléphoniques, panneaux d’affichages toujours plus nombreux, films interrompus... La publicité, dans ses formes actuelles, s’avère à la fois fallacieuse et envahissante. Nul ne lui échappe. Elle n’a rien à voir avec une information décente du consommateur. Son but consiste à faire des profits par la manipulation. La publicité est parvenue à engendrer un peuple docile quant à elle, avec des frustrés innombrables, à qui l’on fait croire que la vie heureuse réside dans la consommation effrénée ! Quelle farce ! Dans le phénomène publicitaire se loge une violence inouïe, avec son cortège de méfaits. Obésité, surendettement, racket sont quelques-unes des conséquences dont la publicité est en très grande partie responsable. Quand on découvre qu’un enfant peut voir à la télévision le mercredi matin une moyenne de soixante spots publicitaires, principalement pour des sodas et des friandises, que peut-il bien se passer dans sa tête ? Est-il armé pour résister à un tel bombardement de produits à consommer suavement devant son poste ? Et qu’en pensent et que peuvent y faire ses parents ?

Soupçonner les fondements idéologiques du phénomène publicitaire, cela ne se fait pas ! Il est admis de critiquer en privé une affiche, de s’irriter parfois devant trop de publicité à la radio ou à la télévision, mais l’affaire en reste là. D’ailleurs pour Jacques Séguéla[1], « toucher à la pub, c’est toucher à la liberté de communiquer ; on en arrive au nazisme ». Ce publiciste oublie que le droit de communiquer n’autorise pas à dire et à faire n’importe quoi. Et quelle image de la femme donne à voir la publicité ? Le sexisme et l’image d’une femme docile sont-ils tolérables ?

Je vais ici trop loin, me diront peut-être certains lecteurs. Parlons avec des exemples :

  • Des espaces échappent encore à l’affichage publicitaire : les autoroutes, les forêts, les rivières… Qui s’en plaint ?
  • Il paraît que le métro serait triste sans affiche. Mais a-t-on déjà rencontré un usager regretter leur absence à la station Louvre, laquelle est habillée de beaux panneaux et objets évoquant le musée du Louvre ? Il n’y a pas que l’affichage commercial qui sait mettre de la couleur dans l’environnement !
  • Les grands médias vivent en partie des recettes de leurs annonceurs. Quelle liberté ont-ils pour traiter l’information dans leurs colonnes ? Pourquoi Le Canard enchaîné et Charlie Hebdo, lesquels ne publient jamais de publicité, sont-ils des journaux totalement libres dans la rédaction de leurs articles ?

On peut critiquer le phénomène publicitaire sans être pour autant contre toute publicité. Des périodiques acceptent des publicités payantes, mais pas n’importe lesquelles. Elles sont informatives, c’est-à-dire qu’elles indiquent par exemple le sommaire de revues, des informations sur de nouveaux produits. Le lecteur a les moyens de discerner ce qui peut l’intéresser. ANV agit de la sorte dans ses échanges de publicité avec d’autres revues et magazines, comme avec par exemple l’hebdomadaire Politis. Ce procédé informatif n’a strictement rien à voir avec l’idéologie publicitaire qui veut que les produits ne soient pas présentés dans leur réalité mais mis en spectacle, là où précisément l’illusion triomphe.

Le meilleur rempart contre la violence cachée du phénomène publicitaire est certainement le regain de l’esprit critique. Chacun des auteurs de ce numéro d’ANV y concourt dans le domaine d’investigation qui est le sien. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

Depuis fin 2005, des groupes locaux du Collectif des déboulonneurs se lancent dans une action non-violente de désobéissance civile, au grand jour, se portant responsables de leurs actes de dégradation devant la police et les tribunaux. Qu’ils en soient vivement félicités car il est probable que leur initiative ouvre enfin une brèche salutaire pour lutter contre l’invasion publicitaire.

 

[1] Cité par Claude Got, dans L’Express du 24 mai 1989.


Article écrit par Géraldine Hédouin.

Article paru dans le numéro 138 d’Alternatives non-violentes.