Martin Luther King, les dates importantes

Auteur

Christine Laouénan

Année de publication

2008

Cet article est paru dans
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Martin Luther King n’a vécu que trente-neuf ans, mais sa vie demeure un exemple de ce qu’une personne peut réaliser pour que grandisse la justice dans notre monde. Il fut assassiné pour la cause à laquelle il croyait. Grâce à ses actions non-violentes, les Noirs américains ont pu relever la tête. 

1929

Martin Luther King vit le jour le 15 janvier à Atlanta, en Géorgie, un État très ségrégationniste. Son père, pasteur, occupait une place de premier plan dans la communauté noire. Ce grand prédicateur se déclarait déterminé à combattre le racisme jusqu’à sa mort. Enfant précoce, Martin récitait par cœur des passages de la Bible.

Alors qu’il était lycéen, il reçut le prix d’honneur pour son discours sur « L’homme noir et la constitution ». Sur le trajet du retour en bus, son professeur et lui furent sommés de se lever pour laisser la place à des Blancs. Alors qu’il refusait d’obtempérer, il fut traité de « bâtard noir » par le conducteur du véhicule. Cet épisode humiliant a profondément marqué l’adolescent.


La philosophie de la non-violence


1947

Fortement influencé par la personnalité charismatique de son père, Martin décida de devenir pasteur à son tour. Il savait que l’Église jouait un rôle de premier plan dans la lutte pour la justice sociale. Il fut ordonné pasteur dans le temple de son père, à Atlanta, et nommé assistant de cette paroisse.

1948

Martin partit préparer une licence en théologie au Crozer Theological Seminary, en Pennsylvanie, où il fut un brillant élève. Durant ses études, il découvrit notamment le philosophe et abolitionniste Henry David Thoreau, auteur de La désobéissance civile. Mais l’un des grands maîtres à penser de l’étudiant fut le Mahâtma Gandhi, apôtre de la non-violence. Martin Luther King s’inscrivit ensuite à l’université de Boston pour y préparer son doctorat.

1953

Dans cette ville du Nord, Boston, il fit la connaissance d’une jeune chanteuse, Coretta Scott, fille de fermiers noirs d’Alabama. Le 18 juin, le père de Martin les maria. Le couple aura quatre enfants.

1954

La Cour suprême des États-Unis décide à l’unanimité, le 17 mai, que la ségrégation est anticonstitutionnelle dans les écoles publiques. Cet événement marquant dans la lutte contre la ségrégation est loin d’être effectif dans les États du Sud.

Martin Luther King devint pasteur de l’Église baptiste de l’avenue Dexter à Montgomery, dans l’Alabama, où ses talents d’orateur lui valut l’estime et l’admiration de ses fidèles.

1955

Le 5 juin, King fut reçu docteur en théologie fondamentale de l’Université de Boston.


Le boycott des bus de Montgomery


Un an après être arrivé à Montgomery, le révérend King allait engager son grand combat contre la ségrégation. Le 1er décembre 1955, une couturière âgée de 42 ans, Mme Rosa Parks, refusa de céder sa place assise à un Blanc dans un autobus de Montgomery, comme les lois de l’Alabama le lui enjoignaient. Profitant du sentiment d’indignation que suscitait l’affaire Rosa Parks, les pasteurs et les dirigeants politiques noirs décidèrent le boycott des transports en commun à Montgomery. Débutant le 5 décembre, il a duré 382 jours.

Cette action non-violente de grande envergure donna à la communauté noire un sentiment nouveau de force et d’unité. À l’issue d’une réunion des dirigeantsd’organisations noires, King fut élu à l’unanimité président d’une association pour le progrès de Montgomery, le MIA (Montgomery Improvement Association).

Prenant la parole, King exhorta la foule à ne jamais employer la violence : « Nous nous laisserons guider par les plus grands principes de la loi et de l’ordre. » Le discours de cet orateur passionné et très persuasif fut ovationné par les participants qui avaient enfin trouvé un porte-parole pour gagner justice et dignité. Le mouvement pour les droits civiques était en marche…

Comme King l’avait espéré, cette campagne opiniâtre et non-violente attira l’attention du monde entier qui s’intéressa au problème de la ségrégation raciale aux États-Unis. Quant au pasteur, il apparaissait désormais comme le grand porte-parole de la cause noire.

 

Répondre à la haine par l’amour


1956

Le formidable retentissement médiatique de l’action à Montgomery mit en fureur les ségrégationnistes blancs. La famille King fut bombardée de lettres, dont plusieurs avec des menaces de mort.

En janvier, une bombe explosa devant sa maison, sans faire de victimes. Devant la foule noire en colère qui s’attroupait devant sa maison, King fit appel à la raison : « Nous devons répondre à la haine par l’amour. »

En mars, un procès fut intenté au pasteur pour violation des lois anti-boycott ; il fut condamné à 140 joursde prison et 500 dollars d’amende. Martin Luther King a raconté cette lutte dans Combats pour la liberté.

En novembre, la Cour suprême des États-Unis déclare que les lois imposant la ségrégation dans les transports ne sont pas constitutionnelles.

Conformément à l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis, la déségrégation devint effective dans les autobus de Montgomery le 21 décembre.

Accompagné de Rosa Parks, King fut le premier Noir à monter dans un autobus.

La victoire de Montgomery donna du courage à des millions de Noirs à travers le Sud, où manifestations et boycotts se multiplièrent. Mais, pour réussir, ils devaient agir tous ensemble. 


La marche continue


1957

À Montgomery, fut créée la Conférence des leaders chrétiens du Sud, la SCLC (Southern Christian Leadership Conference). King en fut élu président.

1958

Profitant que la victoire de Montgomery était encore présente dans les esprits, le pasteur parcourut des milliers de kilomètres et prononça 208 discours à travers le pays, pour mettre fin à la discrimination dans les transports et défendre les droits civiques des Noirs.

Alors que King était de passage à New York, en septembre, pour dédicacer son livre Combats pour la liberté, il fut poignardé avec un coupe-papier par une femme dans un grand magasin. La pointe étant fichée dans l’écorce de l’aorte, le pasteur fut contraint de respirer calmement et sans bouger, malgré la douleur et le choc.

« Combien je suis heureuse que vous n’ayez pas éternué » lui écrira plus tard une adolescente blanche de 14 ans.

 
Sur les traces de Gandhi


1959

Répondant à l’invitation du Premier ministre Nehru, King passa un mois en Inde pour étudier les méthodes non-violentes de Gandhi.

1960

Martin Luther King donna sa démission à l’Église baptiste de Dexter. Toute la famille déménagea à Atlanta, où il assista son père, en tant que co-pasteur de l’Église baptiste Ebenezer.


Le mouvement étudiant


1960

Greensboro en Caroline du Nord fut, après Montgomery, le grand épisode de la révolte noire. Le 2 février, dans un grand magasin, Woolworth, cinq étudiants noirs s’installèrent au comptoir, déclarant qu’ils ne partiraient pas avant d’avoir été servis. Galvanisés par leur courage, des centaines d’étudiants, y compris des Blancs, assaillirent Woolworth la semaine suivante. Ce fut le début des sit-in étudiants qui venaient de faire leur apparition comme tactique de masse. Ce mouvement allait s’étendre à plus de cent villes et mobiliser 70 000 protestataires. Injuriés, les manifestants restaient silencieux. Frappés, ils ne rendaient pas les coups.

Le 15 avril,le Comité de coordination des étudiants non-violents, le SNCC (Student Non Violent Coordinating Committee) fut créé à l’Université de Shaw de Raleigh, en Caroline du Nord. King figura parmi les co-fondateurs.

Peu après, il fut arrêté à Atlanta, avec d’autres manifestants qui furent libérés peu de temps après. Seul King resta en prison ; il fut condamné à quatre mois de travaux forcés. Soutenu par le sénateur John F. Kennedy, candidat démocrate à l’élection présidentielle, le pasteur fut libéré au bout de quelques jours.

Martin Luther King déplorait que la non-violence des étudiants, loin de constituer une philosophie de la vie, ne soit qu’une stratégie pour parvenir à ses fins. Cette divergence s’amplifiera au fil des ans.

John Kennedy est élu président des États-Unis, le 8 novembre, à une courte majorité.


Les voyageurs de la liberté


1961

Des membres du CORE (Congress of Racial Equality) entamèrent, le 4 mai, un voyage en bus dans le Sud pour faire cesser la ségrégation dans les transports inter-États, d’où leur nom de « Freedom Riders ». Le périple dura vingt-cinq jours. Durant le parcours, ils subirent diverses agressions et émeutes de la part des ségrégationnistes, sans que la police réagisse. Les images de ces violences furent retransmises à la télévision dans le monde entier. Le courage de ces étudiants impressionna fortement l’opinion publique. C’est avec beaucoup de courage que les « Freedom Riders » portèrent un coup décisif aux lois racistes.

Le 22 septembre, la Commission du commerce inter-États fixe des arrêtés interdisant toute discrimination dans les transports routiers entre États.

1962

Le gouverneur du Mississipi défia un ordre du pouvoir fédéral qui enjoignait d’inscrire dans l’université de cet État le premier Noir, James Meredith. L’étudiant fut escorté sur le campus par des officiers fédéraux.

1963

King et le mouvement pour les droits civiques décidèrent de mener leurs actions non-violentes à Birmingham, la ville la plus raciste du Sud, notamment pour faire cesser la ségrégation dans les magasins.

Au cours de la première manifestation, le 12 avril, King fut arrêté. De sa prison, il écrivit cette lettre qui devait rester célèbre sous le nom de Lettre de la prison de Birmingham, l’un des documents les plus importants du mouvement pour les droits civiques. Il y citait notamment le mot d’un célèbre avocat : « Retarder la justice, c’est nier la justice. »

Dès sa sortie, les « manifestations sans autorisation » se multiplièrent. À leur tour, les enfants et les adolescents marchèrent, le 2 mai, vers l’hôtel de ville en chantant : « Nous voulons la liberté. » La répression pour disperser les manifestants fut massive : lances à incendie, jets à eau, chiens policiers… Le lendemain, le pays tout entier fut horrifié par ces images d’une violence extrême. Comme l’avait dit King :

« À votre capacité à infliger la souffrance, nous opposerons notre capacité à endurer la souffrance. »

La situation se renversa le 5 mai ; les manifestants arrivèrent en chantant devant le cordon des policiers armés qui, refusant d’obéir à leur chef, les laissèrent passer, sans réagir. La non violence avait triomphé. 

Le 20 mai, la Cour suprême déclare anticonstitutionnelle la réglementation ségrégationniste de Birmingham.

Les représailles des extrémistes blancs seront à la mesure de l’ampleur du mouvement. Des bombes éclatèrent dans les maisons et les églises de pasteurs noirs. Cependant, l’accord consacra la victoire des Noirs et des milliers de villes du Sud cessèrent toute ségrégation.

Après la victoire de Birmingham, une marche sur Washington fut organisée le 28 août, jour du centenaire de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis. À perte de vue, une foule composée de Blancs comme de Noirs, marchèrent tous ensemble. King prononça son célèbre discours « J’ai fait un rêve » (I have a dream) sur les marches du Mémorial de Lincoln. « Nous tenons pour évidente cette vérité que tous les hommes naissent égaux. » Ce jour-là, on put lire dans les journaux que King était officieusement devenu « président de l’Amérique noire ». Il fut reçu par le président Kennedy à la Maison-Blanche, en compagnie d’autres leaders du mouvement des droits civiques.

Cet espoir était prématuré. Quelques semaines plus tard, une bombe explosait dans une église à Birmingham, tuant des enfants.

Le 22 novembre, le président Kennedy est assassiné à Dallas, au Texas.


Prix Nobel de la paix


1964

Le 10 décembre, Martin Luther King reçut à Oslo, en Norvège, le prix Nobel de la paix. Ce prix fut pour lui la reconnaissance que « la non-violence incarnée dans le combat des Noirs américains apporte une réponse à ce besoin pour l’Homme de vaincre l’oppression et la violence sans recourir lui-même à la violence et à l’oppression » (extrait de « J’ai fait un rêve »).

1965

Le pasteur réclame le vote d’une loi fédérale garantissant dans les faits le droit de vote aux Noirs. Il organisa une marche de Selma à Montgomery qui se déroula dans des conditions de tension extrême. Près de 25 000 manifestants furent présents à l’arrivée pour entendre le discours de King devant le Capitole de l’État à Montgomery. Cette manifestation fut couronnée de succès.

Le président Lyndon Johnson signe le 7 août la loi sur le droit de vote des Noirs. Les Noirs et les Blancs ont désormais les mêmes droits civiques. Ils ne bénéficient cependant pas encore des mêmes droits économiques.

1966

Martin Luther King ne connaissait pas encore la réalité des ghettos du Nord. Il lui fallait l’apprendre s’il ne voulait pas que cette Amérique noire lui échappe. Le 7 janvier, il loua un appartement dans le ghetto noir de Chicago pour pouvoir entreprendre la lutte contre les taudis et le chômage.

Des émeutes éclatèrent à Harlem (New York) durant l’été, suite à l’assassinat d’un Noir de 15 ans par un policier blanc. Ces émeutes se propagèrent rapidement dans d’autres villes des États-Unis. Les jeunes des ghettos des grandes villes américaines du Nord se jetèrent dans la violence la plus aveugle. Les émeutes qui vont embraser le pays dureront jusqu’à la mort de King en 1968.

Le mouvement du Black Power, qui était déterminé à faire cesser l’oppression par la force, attirait chaque jour de nouveaux sympathisants.

1967

Le 4 avril, Martin Luther King s’en prit à la politique du gouvernement au Vietnam dans un discours percutant, à l’église de Riverside de New York.

En novembre, King organisa une « Marche des pauvres » sur Washington, DC, afin de faire prendre conscience du problème des pauvres, qu’ils soient Blancs ou Noirs.


La mort à Memphis


1968

King était parti soutenir à Memphis les éboueurs noirs qui faisaient grève pour obtenir l’égalité des salaires. C’est dans cette ville qu’il prononça, le 3 avril, son ultime discours, « J’ai été au sommet de la Montagne ». Le lendemain, le 4 avril, un an jour pour jour après son célèbre propos contre la guerre au Vietnam, le pasteur King fut assassiné par un tireur embusqué, alors qu’il bavardait sur le balcon de sa chambre du second étage au Motel Lorraine de Memphis. Il décéda à l’hôpital Saint-Joseph d’une blessure par balle dans le cou : il avait 39 ans. James Earl Ray sera plus tard arrêté et condamné pour ce meurtre.

La mort de King provoqua de nombreuses émeutes à travers le pays, dans lesquelles plusieurs personnes trouvèrent la mort.

L’enterrement eut lieu le 9 avril à l’église baptiste d’Atlanta où Martin Luther King avait fait son tout premier sermon. Plus de 100 000 personnes se rassemblèrent pour lui rendre hommage. Sur la pierre tombale, on peut lire une inscription tirée d’un Negros Spiritual : « Enfin, libre, enfin libre. Grâces en soient rendues au Seigneur tout puissant, je suis enfin libre. »

Le 5 juin, Robert Kennedy, candidat à la présidence, est abattu d’un coup de revolver à Los Angeles. Il meurt le jour suivant.

1983

Le 2 novembre, le président Ronald Reagan signe un texte de loi selon lequel, dès 1986, le troisième lundi de janvier sera fête nationale fériée pour commémorer la naissance de Martin Luther King Jr.


Christine LAOUÉNAN est journaliste, auteure notamment de : Jamais jaloux, vous ?, Paris, La Martinière, coll. « Oxygène », 2006 ; J’ose pas dire « non », Paris, La Martinière jeunesse, 2003 ; Les Violences du quotidien — idées fausses et vraies questions, avec Maryse Vaillant, psychologue, Paris, La Martinière jeunesse, 2002 ; Quand les violences vous touchent, avec Maryse Vaillant, Paris, La Martinière jeunesse, 2002 ; Non au racket !, Paris, La Martinière jeunesse, 2002.


Article écrit par Christine Laouénan.

Article paru dans le numéro 146 d’Alternatives non-violentes.