Auteur

François Vaillant

Localisation

Afghanistan

Année de publication

2010

Cet article est paru dans
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Il n’existe pas de vrai débat en France sur l’arme nucléaire. Et surtout pas à l’Assemblée nationale où les députés dans leur ensemble adoptent sans sourciller le budget de la Défense. Quelles seraient les différentes parties d’un tel débat ?

1) Une stratégie de sécurité ? Pour le président Sarkozy, il n’existe pas l’ombre d’un doute : « Une politique de sécurité responsable doit conserver dans un avenir prévisible la dissuasion nucléaire[1]. » Dans cette logique, comme tous les pays cherchent à assurer leur sécurité, la question du désarmement nucléaire ne se pose pas. Pourquoi alors refuser l’arme nucléaire à des pays qui voudraient s’en doter ? Par ailleurs, depuis la chute du Mur de Berlin, pourquoi encore parler de dissuasion nucléaire ? Pourquoi laisser sous-entendre que la France ne lancerait ses missiles nucléaires depuis ses sous-marins que si elle venait à être attaquée par des bombes atomiques ? Cette vengeance serait celle d’un pays déjà anéanti, sans parler des dégâts chez ses voisins. En réalité l’arme nucléaire française est plutôt conçue de nos jours pour être capable d’une première frappe limitée. Limitée à quoi, à qui ? À un « État voyou », à un groupe terroriste ? N’y aurait-il pas alors mieux à faire pour limiter les dégâts ?

2) Combien coûte l’arme nucléaire française ? Cet automne, les députés ont voté un budget de la Défense pour 2011 s’élevant à 31 milliards (hors pensions). 3,5 milliards sont dévolus à l’équipement et à la recherche nucléaires, soit 10 millions d’euros par jour.

3) La possession d’un arsenal nucléaire, son maintien et son développement sont-ils moralement acceptables ? Non, répondent de nombreuses personnalités, des prix Nobel, des responsables d’Églises…, de tous les continents.

4) Peut-on espérer un désarmement multilatéral contrôlé par l’ONU ? Les avis divergent. Mais force est de constater qu’un surarmement nucléaire toujours plus sophistiqué se poursuit allègrement malgré les vœux pieux des dirigeants des pays déjà dotés de la bombe. Néanmoins, pour la première fois, un président des États-Unis a osé proclamer récemment : « Aujourd’hui, j’affirme l’engagement des États-Unis à chercher la paix et la sécurité dans un monde libéré des armes nucléaires. » Mais, Barack Obama a poursuivi : « Ce but ne sera peut-être pas atteint de mon vivant[2]. »

Au regard de ce qui précède, que se passerait-il si la France osait en premier le désarmement nucléaire unilatéral ? Pour sa sécurité ? Pour ses finances publiques ? Pour son rayonnement moral et culturel ? C’est le sens de ce numéro d’ANV. Pour cela, nous publions un long et passionnant texte de Jean-Marie Muller. Ce texte a été présenté à plusieurs personnalités, lesquelles y réagissent dans les pages qui suivent.

La thèse pour un désarmement nucléaire unilatéral requiert des efforts pour élaborer à nouveaux frais ce que serait une véritable et efficace défense civile non-violente. Celle-ci n’est pas abordée dans ce n° d’ANV, parce rien de très nouveau n’a été pensé depuis la célèbre étude La dissuasion civile[3]. C’est un manque qu’il convient de reconnaître. Qu’en est-il de la défense civile non-violente d’une nation (défendre qui et défendre quoi ?) alors que le danger d’actions terroristes demeure, que des armes électromagnétiques (non nucléaires) sont maintenant capables d’empêcher le fonctionnement des circuits de communication, de tous les ordinateurs… sans oublier les simples montres à quartz[4] ?

Comment susciter un débat national sur la question du désarmement unilatéral ? À part peut-être Europe Écologie, bien que trop timide dans ses statuts 5 sur l’urgence du désarmement, quel autre parti politique serait à même de vouloir ce débat de société ? Une idée ne peut faire son chemin que si elle repose sur une force sociale et politique, capable d’arguments pédagogiques.

La culture de non-violence avance en plusieurs domaines de la société (éducation, écologie…). C’est bien pourquoi il convenait aussi de poser la question d’un désarmement nucléaire de la France, en ouvrant le débat. Nul n’a réponse à tout.

 

[1] Le Monde, 3 février 2009.

[2] Propos tenus à Prague, le 5 avril 2009.

[3] Christian Mellon, Jean-Marie Muller, Jacques Semelin, La dissuasion civile, Paris, Éd. Fondation pour les Études de Défense Nationale, 1985.

[4] Voir Wikipédia à « Armes électromagnétiques ».


Article écrit par François Vaillant.

Article paru dans le numéro 157 d’Alternatives non-violentes.