1973-2021 : 48 ans de dessins de presse sur la non-violence

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2021

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DE LA DÉNONCIATION AUX ALTERNATIVES

En 1973, le numéro 1 de la revue Alternatives non-violentes l’annonçait déjà avec le premier dessin publié (du dessinateur Andrevon) : « Mais peut-on rester pacifique et non-violent lorsque la violence vous entoure ?… ». Il donnait rendez-vous dans 10 ans pour la réponse… 48 ans plus tard et après 200 numéros publiés, nous pouvons dire que la question demeure, mais que la réponse ou plutôt les réponses ont toutefois avancé. Le titre de la revue mettant en avant la notion d’alternatives était prémonitoire ! Notre revue a montré en effet que la non-violence ne pouvait pas se satisfaire de dénoncer les violences et les injustices et d’y résister. Elle devait aussi penser les alternatives et les réaliser. L’évolution de ces dessins de presse, publiés sans discontinuer depuis 200 numéros avec la collaboration d’une douzaine de dessinateurs, permet de percevoir cette évolution. Un des mérites de cette sélection de 137 dessins est de montrer cette progression de manière ludique.

Dans l’ordre d’entrée en scène des dessins dans la revue : Andrevon, Jean-François Batellier, Paul Siché, Lezcano, Anne, François Marchand, Gulliver, Plantu1, Altho, Étienne Lécroart, Dom.

Une revue qui publie des textes… et des dessins

Ce numéro 200 souligne la belle longévité de la revue : ANV publie des textes sur la non-violence depuis 48 ans, ainsi que beaucoup de dessins (plus d’un millier). Dès le premier numéro, les dessins de presse ont constitué une part essentielle de la politique éditoriale. Ce choix éditorial s’est maintenu pendant 48 ans au grand plaisir de nos lecteurs qui « feuillettent d’abord tous les dessins avant de choisir de lire certains articles » (refrain souvent entendu). Certains dessins donnent de l’appétit pour lire les articles.

Dessiner la non-violence

Pourtant, la représentation graphique (en images, photos, dessins, sculptures) de la non-violence reste souvent un dilemme : il est facile de représenter la violence par une image qui parle d’elle-même comme un combat ou une arme ; il est beaucoup plus difficile de synthétiser dans une seule image l’acte non-violent sans le confronter à une image de violence. Un policier tirant avec un LBD (arme de guerre) suffit pour représenter la violence et la force qu’elle sécrète, un manifestant en sit-in donne une idée de non-violence, mais plutôt passive ! Si on voit l’image du sit-in face à des policiers en armes, la force de la non-violence apparaît alors nettement. On peut représenter une éducation « violente » avec un enseignant autoritaire, armé de sa baguette ou de son bonnet d’âne, mais comment représenter une éducation non-violente ? Ce serait donc un peu comme le mot lui-même de non-violence pour lequel personne n’a encore trouvé un équivalent sans recours à la négation. La non-violence dispose de peu de symboles positifs qui la représentent et ceux-ci sont parfois éculés comme la colombe. « Ras l’bol des pigeons ! » s’exclama un jour Jean-Marie Muller dans un congrès du Man. Parmi tous nos dessinateurs, Étienne Lécroart mérite une mention particulière : non seulement c’est notre dessinateur le plus prolixe (depuis 1990 jusqu’à aujourd’hui, soit plus de 30 ans de collaboration avec ANV), mais je suis aussi toujours admiratif devant sa capacité à représenter la non-violence de façon positive, alternative, sans utiliser systématiquement la représentation d’une violence en contraste. Bref, beaucoup de ses dessins respirent l’idée de non-violence et ce de plus en plus au fil des années. Quant à la collaboration avec Dom, elle évolue complétement à partir de ce numéro 200 avec la création du personnage de Farine que vous retrouverez tous les trimestres en page trois de couverture.

Des dessins qui reflètent l’évolution de la revue … et de la non-violence

En 1996, le numéro 100 fut déjà un numéro spécial proposant un très large panorama de Questions à la non-violence en faisant parler de nombreux auteurs. Pour ce numéro 200, nous avons souhaité faire une rétrospective des 200 numéros au travers d’une sélection parmi le millier de dessins publiés. Nous espérons ainsi offrir une rétrospective ludique, agréable à « feuilleter » et pleine de sens. Ces dessins reflètent le dépassement des dénonciations de la violence et des injustices pour proposer des alternatives crédibles. On y observe le passage d’une écologie encore utopique à une écologie nécessaire et l’apparition progressive de nouveaux sujets tels que : l’éducation des enfants, la formation des adultes, la gouvernance, la culture de non-violence. Ces dessins dévoilent aussi certains invariants comme la place des femmes, la non-violence dans les médias, la force de l’action non-violente ou la préoccupation concernant la violence dans les quartiers. Et quelques autres encore…

Une autre caractéristique est apparue lors de la construction de ce cahier de 137 dessins : en 48 ans, ANV n’a publié qu’un seul dessin dont l’auteure est une femme… Ce fut en 1975 à l’occasion d’un dossier intitulé « Femmes » (cf. p. 23). Depuis, malgré plusieurs autres dossiers sur des thèmes comme « sexisme » ou « féminisme », aucune dessinatrice n’est apparue jusqu’à la sortie du numéro 199 en 2021 (merci Jade) ! Cela nous interroge et ce numéro 200 propose une première collaboration avec une dessinatrice, Sixtine Dano, qui s’exprime et dessine dans ce numéro.


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Article paru dans le numéro 200 d’Alternatives non-violentes.