Élisabeth Maheu est membre du comité de rédaction d’ANV.
Marcus venait de fêter ses vingt ans avec sa bande de potes et pas mal de bouteilles. Émeline savait que son petit frère allait mal, il devenait de plus en plus impulsif et jouait le caïd dans sa propre famille.
Ce jour-là, pour différentes raisons, elle avait dû lui refuser l’accès à la chambre de leur mère. Marcus s’avança vers elle, les mains sur les hanches, la poitrine gonflée, les joues rouges, la bouche fendue d’un sourire tordu, les yeux brillants de colère. Elle eut le sentiment que quelque chose d’horrible pouvait lui arriver si elle ne réagissait pas très vite.
Elle garda ses pieds bien à plat sur le sol, et elle se tenait prête à bondir de côté si besoin. Elle souffla doucement, longuement, puis laissa ses poumons se nourrir d’air frais. Elle joignit ses mains dans son dos, pour freiner en elle un éventuel élan défensif qui risquerait d’agresser l’agresseur et de les entraîner dans une spirale dont elle n’était pas certaine de sortir indemne. Tout geste agressif ne ferait que justifier et alimenter la violence de son frère. Elle le regardait avec un mélange de tristesse, d’inquiétude et d’empathie.
Si lui, qui était costaud, n’avait pas vraiment peur de sa sœur, il sembla pourtant désarçonné, et recula très légèrement, sans même s’en rendre compte.
Elle dit alors « stop » d’une voix ferme, puis baissa nettement le ton et lui dit très lentement, en le regardant dans les yeux : « Marcus, respirons, prends cette chaise, asseyons-nous… et quand tu pourras, tu m’expliqueras ce qui t’est arrivé, ce qui se passe, de quoi tu as besoin. » Elle s’assit, et se tut.
Il resta ébahi, les yeux écarquillés. Il s’assit, puis il se mit à pleurer.
Elle se sentit soulagée. Elle remercia intérieurement son groupe de parole et se félicita de s’être formée à la gestion des émotions… Elle se dit aussi que rien n’était certain, que sa réaction aurait pu énerver son frère… Qu’est-ce qui avait fonctionné Cela restait un peu mystérieux, mais toujours est-il qu’il s’était calmé.
Ils parlèrent.