Rien, strictement rien, ne justifie le génocide en cours à Gaza, pas même les horreurs commises par le Hamas le 7 octobre 2023. « Quelle que soit la cause que l’on défend, écrivait Albert Camus dans Réflexions sur le terrorisme, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule d’innocents. » L’hécatombe humaine à Gaza, notamment par le moyen de la faim, signe la faillite morale et le suicide d’Israël, mais également la défaite morale de tout l’Occident. (Lire ici la suite)

À Gaza, la famine est sciemment organisée par Israël pour obliger les Palestiniens à quitter ce territoire, et s’ils ne le quittent pas, leur seul destin est la mort. « Chaque jour, depuis près de deux ans, écrit Alain Refalo[1], l’équivalent d’un attentat du Bataclan a lieu sous nos yeux. Chaque jour, l’État terroriste d’Israël tue délibérément des dizaines de civils, y compris des femmes, des hommes, des enfants qui se rendent sur les lieux de distribution alimentaire. Des hôpitaux ont été bombardés, des écoles visées, des camps de réfugiés rasés, l’accès à l’eau, à la nourriture et à l’électricité coupé. ‘’ Après plus d’un an de guerre totale contre une population prise au piège, tout ce qui compose une société a été détruit, rendant la bande de Gaza quasi inhabitable[2] ‘’, affirme Médecins sans Frontières. Bien que l’usage de la famine comme arme de guerre constitue un interdit majeur en droit international, Israël y recourt sciemment dans une impunité totale. Des milliers de personnes, dont des enfants, sont déjà morts de faim, chacun peut voir dans les médias les corps décharnés qui rappellent de sombres souvenirs.

Personne en Occident, ni ailleurs, poursuit Alain Refalo, n’a émis l’idée de représailles militaires contre Israël afin de faire cesser le génocide. Israël agit en toute impunité dans un silence glaçant, un silence complice des chancelleries occidentales. Pourtant, le moindre attentat dans n’importe quelle ville européenne suscite généralement indignation et solidarité avec les victimes. Et parfois des représailles. Ici, non. Le peuple palestinien peut bien être anéanti, il ne compte pour rien dans les petits calculs et les grandes compromissions avec l’État d’Israël. Et à ce jour, aucune sanction internationale contre Israël.

Il ne suffit pas de se taire pour être complice. Car, ici, l’agresseur bénéficie du soutien militaire constant des États-Unis. Ces derniers versent chaque année 3,8 milliards de dollars à Israël, auxquels s’ajoutent au moins 17,9 milliards de dollars d’aide supplémentaire depuis octobre 2023. Cela comprend munitions guidées, missiles, bombes à fragmentation, systèmes de défense, et approvisionnement du Dôme de fer. En janvier 2025, un nouveau contrat d’armement de 8 milliards de dollars a été annoncé, incluant des bombes et des avions de chasse F-15, malgré les mises en garde répétées sur leur usage contre des cibles civiles. Cette aide militaire n’est pas seulement logistique, elle constitue un soutien politique explicite à la stratégie d’écrasement et d’élimination du peuple palestinien menée par l’armée israélienne.

Et la France ? 2e marchand de canons au monde, la France livre également des armes à Israël. Elle est même le premier vendeur d‘armes européen à Israël. Le média d’investigation Disclose et le réseau Progressive International (PI) l’ont révélé : la France continue de livrer de manière « régulière et continue » du matériel militaire à l’État d’Israël depuis le début du conflit à Gaza, et même finance l’industrie militaire israélienne. Tout particulièrement, des drones israéliens viennent de financements européens, dont ceux de la France, qui bénéficient à l’industriel de l’armement Israel Aerospace Industries, société au cœur de l’opération militaire déclenchée à Gaza après le 7 octobre. Ainsi que le souligne Tony Fortin, chargé d’étude à l’Observatoire des armements, ‘’ indirectement le fonds européen et les États viennent renforcer la machine de guerre israélienne ’’.

Cette faillite morale de l’Occident, et en particulier de la France, très timide depuis le 7 octobre quand il s’agit de condamner Israël, constitue une page sombre de notre histoire contemporaine. Elle révèle un abîme entre les principes universels que nous prétendons défendre, et la réalité de nos choix géopolitiques. « Cet acquiescement à la dévastation de Gaza et au massacre de sa population, écrit Didier Fassin, à quoi il faut ajouter la persécution des habitants de Cisjordanie, laissera une trace indélébile dans la mémoire des sociétés qui en seront comptables.[3] ‘’

Complicités et silences occidentaux, timidité et impuissance de l’ONU, criminalisation des mouvements de solidarité avec la Palestine, conclue Alain Refalo, nous vivons un moment à la fois tragique et immoral. Gaza est le miroir de notre conscience. Devant la faillite morale de l’Occident, il ne reste que la voix des peuples, notre voix. Face à la catastrophe, notre dignité, plus que jamais, passe par la parole, la dénonciation, l’engagement, la résistance, le boycott des produits israéliens et toute initiative affirmant que le génocide ne passera pas par nous, par notre silence, par notre indifférence coupable. Gaza nous regarde. Gaza nous juge. Et l’Histoire, un jour, demandera : où étiez-vous ? »

 


[1] ANV présente ici des extraits d’un texte paru sur le blog d’Alain Refalo https://alainrefalo.blog/2025/07/23/gaza-la-defaite-morale-de-loccident/?jetpack_skip_subscription_popup

[3] Didier Fassin, Une étrange défaite : sur le consentement à l’écrasement de Gaza, La Découverte, 2024, p. 6.