Ouf, ce n’est pas Trump à s’être vu attribué le prix Nobel de la paix ! Mais il y a un truc qui ne va pas avec Maria Corina Machado qui l’a obtenu, soi-disant « pour son combat en faveur de la démocratie au Venezuela. » Cette femme d’extrême droite a un lourd passé politique dans son pays. Certes, elle se montre déterminée contre la dictature du président vénézuélien, Nicolas Maduro, mais elle soutient ouvertement Donald Trump qui déploie, depuis des mois, des navires de guerre au large des côtes vénézuéliennes avec l’option d’une intervention militaire pour abattre le régime de Maduro. (Lire ici la suite)

Le prix Nobel de la paix à Machado est d’autant plus incompréhensible que cette femme n’est nullement adepte de la voie du dialogue et de la négociation pour résoudre la crise politique que son pays endure depuis des années. Preuve en est que la Maison Blanche, aussitôt le Nobel de la paix attribué à Machado, a estimé que le comité Nobel de la paix avait fait passer « la politique avant la paix » ! Et Machado de déclarer en écho : « Nous sommes au seuil de la victoire et, aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur le président Trump. »

Comment dès lors comprendre le communiqué du comité Nobel norvégien qui estime que « lorsque des autoritaires s’emparent du pouvoir, il est essentiel de reconnaître les courageux défenseurs de la liberté qui se lèvent et résistent » ? La visée politique de Machado est imprégnée de violence depuis des années. Elle en appelle à une intervention militaire étasunienne, allant même à joindre directement Benjamin Netanyahou, l’artisan de l’anéantissement de Gaza, pour « libérer » le Venezuela par des bombes. 

Comment oublier que Machado fait régulièrement l’éloge du libertarien argentin, Javier Milei, qui l’a félicitée en même temps que le président du parti espagnol d’extrême droite Vox, Santiago Abascal, qui reconnaît en elle une « amie et une alliée »Dans le concert des félicitations à Machado, les propos d’Emmanuel Macron, et d’autres responsables politiques comme Ursula Von der Leyen, ne cessent d’étonner, même s’ils sont à considérer de pure convenance.

Nous pouvions espérer que le Nobel de la paix serait cette année décerné aux personnels médicaux qui travaillent à Gaza au péril de leur vie pour en sauver d’autres. Ou à Ioulia Navalny, veuve d’Alexeï Navalny, qui continue le combat de son mari – un prix Nobel ne peut pas être décerné à titre posthume. Ou à Greta Thunberg, militante suédoise. Ou à Chow Hang-Tung, défenseuse des droits à Hong Kong, emprisonnée depuis 2021, etc. Ces noms figuraient parmi les 330 candidat·es sélectionnées par le Secrétariat du Nobel. Mais le jury a donc préféré Machado, comme s’il s’agissait, sans le dire ouvertement, d’honorer la politique de Trump ! Une honte ! 

Avant de choisir Maria Corina Machado, le jury du Nobel a-t-il seulement pris soin de relire les volontés d’Alfred Nobel pour qui le Nobel de la paix doit récompenser chaque année « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix » ?

La lauréate du Nobel de la paix 2025 est invitée à recevoir son prix à Oslo le 10 décembre, lequel sera assorti d’un chèque d’un million d’euros. 

 

         François Vaillant, rédacteur en chef de la revue Alternatives Non-Violentes.

 

NB. Voir ici la lettre ouverte qu’Adolfo Pérez Esquivel – prix Nobel de la paix en 1980 pour son action non-violente en Argentine – vient d’envoyer à Maria Corina Machado.