Auteur

Christine Laouénan

Localisation

Afghanistan

Année de publication

2008

Cet article est paru dans
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Je suis loin de comprendre tous les tenants et les aboutissants de la crise bancaire devenue financière puis sociale. Mais plus j’entends les propos toujours très rassurants de ceux qui affirment chaque jour que cette crise est maintenant maîtrisée, moins je suis rassurée. Les fondements du capitalisme battent de l’aile. Je sais seulement, ici comme ailleurs, qu’aucun problème ne peut être résolu sans que soit changé l’état d’esprit qui l’a engendré.

Pour combattre une violence structurelle, comme celle dans certaines banlieues, ou une violence institutionnelle voulue par un gouvernement, comme la reconduite à la frontière d’émigrés vivant déjà en France, des personnes peuvent manifester leur révolte en utilisant des moyens violents : bataille rangée contre les forces de l’ordre, tir de carabine, prise d’otage… Il ne s’agit pas ici de condamner ceux qui n’ont pas su trouver d’autres moyens que ceux de la violence pour combattre une injustice. Comprendre une révolte violente n’est pas cependant l’excuser, la légitimer.

S’il utilise les moyens de la violence, un mouvement de protestation situe le débat à un niveau où le pouvoir établi est toujours le mieux armé, tant il dispose des moyens de répression violente les plus adaptés. Tout partisan d’une révolte violente ou d’une violence insurrectionnelle devrait réfléchir sur la vérité foncière émise par Saul Alinski, compagnon de Martin Luther King : « Il est politiquement insensé de dire que le pouvoir vient du bout du canon de fusil quand c’est l’adversaire qui possède tous les fusils[1]. »

La spirale de la violence demeure toujours et partout la même : même pour combattre une injustice criarde ou une violence institutionnelle, une révolte violente déclenche une violence de répression implacable qui ne fait qu’accentuer finalement l’injustice ou la violence institutionnelle que l’on voulait supprimer.

L’originalité et la force de la non-violence est précisément de déjouer la répression en brisant la spirale de la violence. Les méthodes de l’action non-violente visent à créer un rapport de forces qui contraigne l’adversaire à dialoguer, c’est-à- dire à négocier. Ceci est possible, car les militants ne tombent pas dans le piège de la violence mimétique où le pouvoir établi aimerait tant les voir chuter pour les combattre, avec pour prétexte la légitime défense soi-disant légitime !

Le choix de la non-violence permet aux militants de graduer leur combat pour arriver à négocier avec l’adversaire : pétition, manifestation, grève de la faim, boycott, grève, désobéissance civile… Le but n’est pas d’humilier l’adversaire mais de supprimer l’injustice qu’il entretient. À l’issue d’une campagne d’actions non-violentes qui a obtenu gain de cause, il y a bien sûr un gagnant et un perdant, mais en vérité il n’y a pas plus de vainqueur que de vaincu, car le gain d’humanité obtenu est à partager entre tous.

Les articles de ce numéro d’ANV rapportent différentes actions non-violentes, en France et à l’étranger. Ils montrent combien la non-violence déjoue la répression, en rompant la spirale de la violence. Les méthodes de l’action non-violente ne demandent qu’à se faire approprier par les citoyens(nes).

 

[1] Cité par Jean-Marie Muller, Stratégie de l’action non-violente, Paris, Seuil, 1980, pp. 182-183.


Article écrit par Christine Laouénan.

Article paru dans le numéro 149 d’Alternatives non-violentes.