Voici une BD drôle et savamment documentée sur le pouvoir des algues – Vincent Doumeizel et Étienne Lécroart, La Révolution des algues. Éd. Futuropolis, 128 p., 2025, 21 €. Vincent Doumeizel est conseiller pour les océans au Pacte mondial des Nations Unies. Il présente ici ses études à la manière d’un reportage journalistique, en grand format et tout en couleurs. Le dessinateur, Étienne Lécroart y excelle dans son art, toujours teinté d’humour. (Lire ici la suite).

La Révolution des algues commence par retracer l’histoire des algues depuis leur apparition il y a 1,5 milliard d’années : les micro-algues rouges et vertes, puis les algues brunes, grandes consommatrices de nitrates et de phosphates. Il existe dans les océans 12 500 espèces d’algues différentes, aux vertus étonnantes.

Les algues ont largement participé à la nourriture des humains pendant des milliers d’années et jusqu’au début du Moyen-Âge, en Europe, en Afrique, en Asie. Si les Vikings ont tenu le coup dans leurs expéditions, c’est grâce à la pêche d’algues marines, riches en vitamine C et en oméga-3. Nos Anciens avaient repéré le bénéfice de ces légumes de mer pour soigner le déficit en iode, les dysfonctionnements de la thyroïde et les troubles de la digestion. Aujourd’hui, il serait envisageable de remplacer le plastique par des composés d’algues pour fabriquer de la peinture, de la colle et de nombreux objets du quotidien. Les algues ont aussi un extraordinaire pouvoir de captation du CO2. Si elles étaient protégées et cultivées avec intelligence, elles seraient des plus utiles pour lutter contre le dérèglement climatique. 

Je lis avec intérêt le point de vue du chercheur sur les algues vertes qui empoisonnent et dénaturent les plages de Bretagne : il nous explique, chiffres à l’appui, comment les lisiers des élevages intensifs de porcs, répandus dans les champs, polluent les sols par infiltration, puis les rivières pour finir en mer. Les phosphates et les nitrates produits en excès empâtent les algues, lesquelles échouent sur les côtes en dégageant cette puanteur caractéristique. Les coupables ne sont donc pas les algues, mais le système agro-industriel.

Des expériences au Japon, aux Philippines ou en Tanzanie montrent qu’il est possible de créer des fermes d’algues ; à condition qu’il s’agisse d’« aquaculture multi trophique intégrée » (AMTI pour les intimes), façon permaculture. Les algues seraient bien meilleures et moins chères que le soja que l’Europe s’évertue à importer.

Remplacer les engrais chimiques et le plastique, réparer la biodiversité, enrayer le dérèglement climatique, lutter contre la malnutrition, améliorer la santé des populations : ce voyage au pays des algues laisse espérer la révolution à venir !

La Révolution des algues, texte de Vincent Doumeizel, dessin d’Étienne Lécroart, Éd. Futuropolis, 128 p., 2025, 21 €. Site d’Étienne Lécroart.

À noter que le dessinateur, Étienne Lécroart, avait précédemment illustré la BD scientifique d’Ivar Ekeland, Urgence climatique, Casterman, 120 p., 2020, 19 € 

   Élisabeth Maheu